XXème Siècle et les évolutions technologiques du Cinéma

Cinéma muet contre le cinéma parlant

FondamentalHistoire du Cinéma Muet et du son extradiégétique

Avant 1927, le cinéma est un art entièrement muet. Les caméras ainsi que les salles de projection ne sont pas encore équipées de bandes sonores et de matériel adéquat pour diffuser le son.

Le muet intervient donc comme le concept majeur de l’art cinématographique. Différentes techniques vont être utilisées pour façonner cet art, notamment grâce à un courant prédominant ; l'expressionnisme allemand. L’Expressionnisme allemand est un courant artistique et littéraire du XXème siècle. Sa particularité se trouve dans le fait qu'il cherche à exprimer le monde, plutôt qu’à le montrer. Ainsi, l’expressionnisme allemand déforme la réalité afin de provoquer des émotions chez le spectateur. Prenons l’exemple d’Otto Dix, peintre allemand appartenant à ce mouvement artistique, qui dépeint à travers ses œuvres, une Allemagne en crise et en guerre.

Bataillon d'assaut à l'attaque sous les gaz, Otto Dix (1924)

Au Cinéma, l’un chef de file de l'expressionnisme allemand est le réalisateur autrichien Fritz Lang. Cinéaste de grande renommée, il représente l'expressionnisme allemand au travers de ses films, en utilisant notamment la lumière, la technicité du montage et le jeu d’acteur. Les dialogues n’étant pas existants au Cinéma, pour comprendre la narration il était utilisé des intertitres. Leur usage apportait du sens aux films, ainsi que des indications aux spectateurs.

Les intertitres dans le Cinéma Muet

Source : Oscarvations

En plus des moyens techniques, le jeu d’acteur dans le Cinéma Muet a pris une place prépondérante. En effet, grâce à la pantomime, où expressions exagérées de l’acteur, le film prenait un sens interprétable par tout type de public. De ce jeu d’acteur où la gestuelle et les expressions sont intensifiées, naît un nouveau genre propre au Cinéma Muet, le burlesque, genre dans lequel performe les acteurs Buster Keaton et Charlie Chaplin.

Buster Keaton, Acteur burlesque (1895-1966)

Se créer alors un nouveau langage cinématographique. En outre, durant les projections, pour accompagner la diffusion, un pianiste jouait dans la salle. On parle ici de son extradiégétique. Au Cinéma, le son extradiégétique désigne tous les sons qui ne font pas partie de l’action. De nos jours, ce sont des sons ajoutés en postproduction. Il peut s’agir de voix off ou bien de musique d’arrière-plan. À l’époque du Cinéma Muet, il s’agissait du pianiste qui jouait lors de la projection du film muet. Son intervention servait aussi à couvrir les bruits du projecteur.

FondamentalL’Arrivée du Cinéma Parlant et le son intradiégétique

En 1926 naît le vitaphone, un système de son sur disque. Cette technologie permet de synchroniser le son et l’image simultanément sur les pellicules argentiques. Ce procédé technique commercialisé par les frères Warner, fait de la maison de production Warner Bros, l’un des studios de Cinéma le plus puissants et influents mondialement. Le vitaphone signe l'avènement du Cinéma Parlant. Dès 1927, le Cinéma parlant ou sonore fait son entrée en scène dans l’univers du septième art. Sa particularité se trouve dans le fait de visionner des images en mouvement, en même temps que la lecture d’une bande-son auditive. Le son devient alors intradiégétique, c’est-à-dire qu’il est interne à l’action. Il fait partie de l’action et est entendu par les personnages du film. Par exemple, il peut s’agir de bruitage sonore, comme le bruit des vagues de la mer. Même si l’enregistrement sonore est ajouté en postproduction, à l’inverse du son extra-diégétique, il fait totalement partie de l’intrigue et contribue à l’action.

ExempleCinéma parlant versus Cinéma muet ; le passage d’un Art Universel à un Art continental et sociétal

L’exemple du film LE CHANTEUR DE JAZZ de Alan Crosland (1927) versus LES TEMPS MODERNES de Charlie Chaplin (1936).

En 1927, est diffusé sur les écrans de Cinéma, le premier film sonore LE CHANTEUR DE JAZZ de Alan Crosland, produit par les studios Warner Bros. « Wait a minute, wait a minute. You ain't heard nothin' yet! » (« attendez un peu, vous n’avez encore rien entendu »). Cette phrase interprétée par l’acteur Al Jolson, personnage principal du film, marque le passage du Cinéma Muet au Cinéma Parlant. Les spectateurs découvrent alors le timbre de voix des acteurs. Cependant, certaines voix déplaisent au public. Par exemple, la grande idole américaine Gloria Swanson, reconnue pour sa pantomime et son charme facial durant la période du cinéma muet, lorsque sa voix est découverte, est considérée comme « niaise » par le public. Le passage du Cinéma Muet au Cinéma Parlant, participe au déclin de l’idole hollywoodienne. Son histoire est retracée dans le film noir SUNSET BOULEVARD, de Billy Wilder (1951) qui raconte l’histoire de Norma Desmond, ancienne actrice du Cinéma Muet, coincée dans sa nostalgie de ses années de gloire et devenue paranoïaque.

Vidéo à visionner : Normal Desmond beauty routine - « Sunset Boulevard » - Gloria Swanson

Extrait du film SUNSET BOULEVARD DE BILLY WILDER 1951

En plus de la décadence de certains acteurs, le passage du Cinéma Muet au Cinéma parlant, provoque le passage d’un Art Universel à un Art national, voire sociétal. Le Cinéma muet ne comportant pas de dialogues, était à la portée de tous à travers le monde. De plus, il traitait de thèmes généraux comme l’amour. Avec le passage au parlant, il traite de thèmes nationaux, comme la guerre propre à certains pays, le Cinéma étant utilisé également comme outil de propagande de masse. Charlie Chaplin, réalisateur, acteur et producteur, s’oppose au passage au parlant. Selon lui, il restreint la compréhension du cinéma dans le monde. Il tente de résister en incluant uniquement des sons intradiégétiques à ses films, en utilisant le bruitage sonore pour le film LES LUMIÈRES DE LA VILLE, 1931. Cependant il continue tout de même à utiliser les interlignes et la pantomime. C’est en 1936 avec le film LES TEMPS MODERNES, que Chaplin passe le cap du parlant, tout en maintenant sa prise de position contre cette avancée technologique. Le film est musicalisé à 90 % et on y découvre Charlie Chaplin chanter un charabia incompréhensible. Cet extrait, devenu aujourd’hui classique, est en réalité une critique du passage au parlant, restreignant la compréhension du Cinéma comme Art Universel.

Charlie Chaplin Acteur - Réalisateur - Producteur

Source : france culture

Technologies évolutives du Cinéma parlant

DéfinitionLe Son sur disque

D’un point de vue technique, le passage du Cinéma Muet au Cinéma Parlant se définit par deux procédés techniques : le son sur disque et le son sur film.

Le son sur disque est une invention de la naissance du Cinéma. Il s’agit d’une technique de synchronisation d’enregistreurs. Durant cette période est conçu un appareil, le phonographe. Il est le premier appareil de reproduction sonore. Il est fabriqué par William Cros, poète, photographe et inventeur.

Phonographe d’Edison

Cependant, il est réellement mis au point, refabriqué et commercialisé par Thomas Edison en 1895. Avec le Kinétographe, Edison est capable d’enregistrer simultanément l’image et le son. Il fabrique le couple Kinétoscope et Phonographe pour la diffusion des prises de vues et la reproduction sonore. Mais la technique n’étant pas encore au point, le monde du Cinéma n’investit pas dans cet appareil. En 1926 naît le Vitaphone inventé par Bell Telephone Laboratories and Western Electric. Les droits d’exploitation sont rachetés par les Frères Warner. Ce procédé de son sur disque utilise la technique du phonographe d’Edison.

DéfinitionLe Son sur film

Le succès du Cinéma Parlant dû à l’invention du Vitaphone pousse les autres studios de production à s’intéresser à cette avancée technologique. En 1927, la Fox Film Corporation développe la technique du son enregistré sur pellicule argentique. Cependant le son se dégrade avec l’usure des copies et il devient alors inaudible. En 1928, la Radio Corporation of America (entreprise américaine technologique et électronique) développe le Photophone qui est une technique de reproduction sonore sur pellicule, résistant mieux à l’altération des pellicules.

Le photophone ; la bande sonore sur pellicule

Source : RDVC

Arrivée de la couleur au Cinéma

Les procédés de coloriage, l’exemple de Georges Méliès

Dès la naissance du Cinéma, les films en couleurs sont d’ores et déjà existants. Le plus ancien procédé technique de colorisation de films se nomme le procédé de coloriage. Il est utilisé à partir de 1895. Ce procédé consistait à peindre les pellicules, au pinceau, image par image. Méliès a fait usage de ce moyen dès 1897. Ses films rappelant la féerie de la magie, la couleur venait accentuer cet univers. Les pellicules coloriées étaient vendues uniquement à la clientèle la plus riche, autrement ils étaient conservés en noir blanc. Conscient qu’il allait appliquer la technique de colorisation au pinceau, la mise en scène, le décor et le maquillage étaient pensés en amont. Méliès déterminait au préalable les couleurs, qui étaient ensuite appliquées en usine. De nos jours, ce procédé est appelé l’étalonnage en postproduction. C’est dans l’atelier de Élisabeth Thuillier au 87 rue du Bac, à Paris que les films étaient colorisés.

« Le coloriage était entièrement fait à la main. J’occupais deux cents ouvrières dans mon atelier. Chacune d'elle recevait un franc par journée de travail. Je passais mes nuits à sélectionner et à échantillonner les couleurs. Pendant le jour, les ouvrières posaient la couleur, suivant mes instructions. Chaque ouvrière spécialisée ne déposait qu’une couleur. » Élisabeth Thuillier - Extrait tiré du journal L’Ami du Peuple (du Soir) - 13 décembre 1929).

Charlie Chaplin utilisait de même ce procédé, dans ses propres usines.

DéfinitionLe Chronochrome de Léon Gaumont

À partir de 1900, des caméras sont fabriquées et le système de couleurs y est directement intégré. En 1913, Léon Gaumont sort le chronochrome. Cette caméra sera optimisée plus tard dans les années 1920. Il s’agit d’une caméra qui est composée de trois objectifs, équipés respectivement d’un filtre rouge, vert, bleu, les trois couleurs primaires, relatives à la vision trichromatique chez l’être humain, soit les trois couleurs auxquelles l'œil humain est sensible.

Chronochrome de Léon Gaumont

Source : ANTIQ - PHOTO

FondamentalLe Technicolor Trichrome

En 1932, Helbert Calmus, scientifique américain fabrique la caméra Technicolor Trichrome. Président de la Technicolor Motion Picture Corporation, entreprise spécialisée dans le processus de colorisation au Cinéma, son entreprise tient une place fondamentale dans l’industrie cinématographique hollywoodienne. En 1932, il met au point le Technicolor Trichrome, une caméra qui filme tout en couleur. Cette caméra est régie par trois négatif noir et blanc en même temps, sur les trois négatifs. Chaque négatif est respectivement sensible au rouge, vert et bleu. Lors du tirage final, les images se superposent les unes sur les autres. Il s’agissait d’un procédé technique méticuleux, mais qui donnait un rendu d’une excellente qualité. Grâce à cette caméra, l’entreprise Technicolor Motion Picture Corporation est l’une des plus puissantes d’Hollywood.

De plus, d’un point de vue marketing, les producteurs travaillant avec l’entreprise avaient pour obligations contractuelles de communiquer massivement autour de la société. Il était imposé au producteur de films, de faire apparaître sur les bandes annonces ou les affiches « À Technicolor Motion Picture » (un film en technicolor).