Formation du e-contrat de voyage

Contexte

Dans notre société actuelle, les nouvelles technologies font désormais partie intégrante de la vie de chacun. C’est le cas des professionnels du secteur touristique qui ont adapté leur façon de vendre leurs produits, et des clients qui ont changé leurs modes de consommation et leurs attentes envers ce marché.

À cet égard, 55 % des Français ont utilisé Internet pour des réservations de séjours en 2018, contre 50 % en 2016, selon une étude du cabinet Raffour Interactif. En 2019, l’e-tourisme représentait 46 % du marché français selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad). Réserver son voyage clé en main sur Internet correspond à des pratiques de consommation qui se généralisent et concerne la branche d’activité touristique.

Dans le cadre de cette unité pédagogique, nous verrons uniquement l’hypothèse d’un contrat conclu entre les professionnels et les consommateurs.

Mais alors, à quelles règles juridiques sont soumis les professionnels de l’e-tourisme en matière de voyages ? Pour répondre à cette question, nous verrons dans un premier temps les règles de formation de l’e-contrat de voyage, puis le contentieux spécifique à l’e-contrat de voyage dans un deuxième temps.

La formation du e-contrat de voyage répond à des règles spéciales qui ont pour but de protéger les consommateurs particulièrement vulnérables lorsqu’ils se trouvent à distance du professionnel.

Pour leur garantir une protection optimale, le droit impose au professionnel de communiquer à tout consommateur un certain nombre d’informations précontractuelles.

Une fois que le contrat est conclu, le professionnel doit inclure dans le contrat des éléments qui sont obligatoires, et surtout, n’inclure aucune clause abusive sanctionnée par le droit de la consommation.

Enfin, il faut savoir qu’en matière de produits touristiques, le droit de rétractation est par principe exclu d’un certain nombre d’hypothèses.

Définition de l’e-contrat

Dans le monde des affaires, les contrats peuvent être conclus selon diverses manières :

  • Soit ils sont conclus en présentiel, c’est-à-dire avec la présence simultanée du vendeur et de l’acheteur.

  • Soit ils sont conclus sans la présence simultanée des deux parties. On parle alors de contrat à distance. Dans le cadre de cette unité pédagogique, on parlera même de « e-contrat ».

Par exemple, lorsqu’un client se rend sur le site internet d’une agence de voyages et achète un voyage à forfait sans se rendre physiquement dans l’agence.

Le Code civil, qui compile l’ensemble des règles générales applicables à tous les contrats conclus entre des personnes privées, encadre également le contrat électronique aux articles 1127-1 et suivants.

L’encadrement juridique des contrats souscrits entre un voyagiste et son client est essentiellement gouverné par les Conditions Générales de Vente, dites CGV, que l’internaute accepte par le « double clic » qui matérialise l’engagement. Les CGV sont celles du voyagiste ; leur contenu est rédigé librement, sauf à prévoir certaines dispositions obligatoires d’ordre public auxquelles le voyagiste ne pourra pas déroger à moins de constituer des clauses abusives réputées non écrites.

Ces dispositions communes à tous les contrats concernent notamment le formalisme et la signature électronique que nous verrons dans la dernière partie de cette section.

Informations précontractuelles sur internet

Avant de conclure un contrat de vente de voyages et séjours, le professionnel doit s’assurer que le client donne un consentement libre et éclairé sur le produit.

Comme pour les contrats conclus en présentiel, le contenu de ces informations est fixé par l’article L.211-8 du Code du tourisme. Par conséquent, le professionnel doit porter à la connaissance de ses clients :

  • Les coordonnées du détaillant et de l’organisateur de la prestation,

  • Le prix et des modalités de paiement de la prestation,

  • Les conditions d’annulation et de résolution du contrat,

  • Les informations sur les assurances liées au produit,

  • Les conditions de franchissement des frontières, notamment les formalités sanitaires et administratives à accomplir (par exemple, un test négatif à la Covid-19 de moins de 24 h). Le professionnel informe également les clients des délais d’accomplissement de ces formalités.

Les informations précontractuelles sont communiquées par écrit, que le support soit papier ou électronique.

Méthode

Les professionnels doivent utiliser des formulaires types pour communiquer ces informations précontractuelles à leurs clients. Ils figurent dans l’annexe de l’arrêté du 1er mars 2018 disponible en cliquant sur le lien suivant : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Dans le cadre des e-contrats, le professionnel peut utiliser les hyperliens pour communiquer ces informations à ses clients. Ils sont signalés par le logo suivant :

Source : pixabay

Le professionnel ne peut pas échapper à son obligation de communiquer les informations précontractuelles à ses clients.

S’il n’exécute pas cette obligation, il encourt une amende administrative dont le montant peut atteindre 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.

Règles de formation des contrats conclus à distance

Comme tous les contrats, l’e-contrat se forme lors de la rencontre d’une offre par un professionnel et de son acceptation par le consommateur.

La formation du e-contrat

L’offre

Le plus souvent, l’offre est proposée par le biais de catalogues, de feuillets, de publipostages ou d’offres sur des sites internet. Par exemple, elle peut passer par des forfaits de croisières proposés par les opérateurs sur Internet.

Afin de protéger le consentement du consommateur, l’article 1127-1 du Code civil prévoit que tant que l’offre est accessible sur un site internet, un professionnel est tenu par elle.

Exemple

Une voyagiste a augmenté les prix de certains voyages dans son agence de voyages. Il n’a pas eu le temps de changer les prix sur son site internet. Par conséquent, il ne peut imposer les prix plus élevés dans son agence à ses clients en ligne, qui peuvent bénéficier de l’offre inférieure tant qu’elle n’est pas modifiée en ligne.

Les caractéristiques essentielles du produit

Selon le Code de la consommation, le client doit être en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du produit sans qu’aucun élément ne l’induise en erreur (Code de la consommation, art. L.111-1).

À défaut, le professionnel s’expose à des poursuites pour pratiques commerciales trompeuses.

Exemple

La photographie d’un produit vendu sur un site internet doit représenter exactement le produit proposé ou à défaut, mentionner les éléments qui sont vendus séparément. C’est le cas pour les séjours proposés à la vente sur le site internet d’une agence de voyages. Si les photographies montrent une piscine, l’hébergement proposé doit la mettre à disposition de ses clients.

L’acceptation de l’offre par le double clic

Dans le monde numérique, l’acceptation d’une offre se manifeste par un double clic (le premier pour passer une commande et le deuxième pour la confirmer).

Cette possibilité de vérifier le détail de la commande et son prix total est une exigence du Code civil (art. 1127-2).

De plus, le même article dispose que l’auteur de l’offre doit accuser la réception sans délai de la commande. Par conséquent, la commande, la confirmation et l’accusé de réception sont considérés comme reçus par le client lorsqu’il peut y avoir accès (par le biais d’un espace client par exemple).

La signature électronique

Concernant la signature électronique du contrat, « elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle se rattache » (Code civil, art. 1367).

La signature électronique peut être simple (un cachet électronique), avancée (l’envoi d’un code de confirmation par mail) ou qualifiée avec une vérification visuelle de l’identité (pour les crédits à la consommation ou les contrats d’assurance-vie par exemple).

Le formalisme du e-contrat

Une fois que le contrat est conclu, l’article R.211-6 du Code du tourisme impose qu’il soit écrit et établi en double exemplaire dont l’un est remis à l’acheteur, et signé par les 2 parties.

Le contenu du e-contrat

Un certain nombre d’informations minimales doivent être incluses dans le contrat formé entre le voyagiste et ses clients.

Notamment, le contrat doit comporter « toutes indications relatives aux noms et adresses de l’organisateur, du vendeur, du garant et de l’assureur, à la description des prestations fournies, aux droits et obligations réciproques des parties en matière notamment de prix, de calendrier, de modalités de paiement et de révision éventuelle des prix, d’annulation ou de cession du contrat et à l’information de l’acheteur avant le début du voyage ou du séjour » (L.211-10 du Code du tourisme).

De plus, l’article R.211-6 du Code du tourisme énumère une liste de 21 clauses qui doivent figurer dans l’e-contrat de vente de voyages.

Interdiction des clauses abusives

La vocation du droit de la consommation est de protéger le consommateur. En ce sens, les professionnels sont tenus de répondre à de nombreuses obligations et interdictions, dont certaines concernent le contenu du contrat.

C’est le cas des clauses abusives. Elles sont encadrées par l’article L.212-1 du Code de la consommation.

Définition

Sont considérées comme abusives les clauses qui ont pour objet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.

Cette disposition légale est complétée par des textes réglementaires.

L’article R.212-1 du Code de la consommation dresse la liste noire des clauses abusives. Celles-ci sont présumées abusives de manière irréfragable. C’est-à-dire qu’elles sont sanctionnées automatiquement.

Par conséquent, le professionnel qui introduit l’une de ces clauses dans un contrat avec un consommateur ne pourra pas l’invoquer, car la clause est réputée non écrite.

Exemple

Le fait de reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans reconnaître le même droit au consommateur, est une clause abusive.

C’est aussi le cas du fait d’imposer au consommateur la charge de la preuve, qui, en application du droit applicable, devrait incomber normalement à l’autre partie au contrat.

L’article R.212-2 du même code dresse la liste grise. Dans ce cas, les clauses sont simplement présumées abusives. Cela signifie que le professionnel pourra rapporter la preuve qu’elles ne causent pas de déséquilibre significatif à l’encontre du consommateur. Si le professionnel parvient à prouver cet élément, alors la clause continue d’exister et de produire des effets.

Exemple

Sont abusives au sens de l’article R.212-2 :

  • Les clauses qui exonèrent une agence de voyages en cas de retour ne s’effectuant pas au même aéroport qu’au départ.

  • La clause d’un mandat de vente immobilière conclu entre un agent immobilier et un particulier donnant à l’agent mandataire le pouvoir d’engager des frais administratifs ou réclamer toutes pièces, actes et certificats nécessaires au dossier pour effectuer des démarches administratives.

  • La clause par laquelle un centre sportif se réserve le droit de modifier unilatéralement les horaires de cours.

  • La clause qui limite indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur.

Pour savoir si une clause cause un déséquilibre significatif, les juges qui analysent ces situations doivent prendre en compte plusieurs éléments, comme le moment de la conclusion du contrat, ainsi que toutes les circonstances qui entourent la conclusion.

Par exemple, c’est le cas des éléments qui concernent directement les signataires du contrat comme leur âge, leur niveau d’expertise dans un secteur particulier, sans oublier les éléments extérieurs aux parties qui font partie du contexte de la conclusion du contrat, comme le contexte sanitaire international par exemple.

Complément

Pour faire face à l’ampleur des clauses abusives, le législateur a créé la Commission des clauses abusives.

C’est une institution spécifiquement dédiée à l’appréciation des clauses dans les modèles de contrats habituellement proposée par les professionnels.

La Commission est principalement chargée de rendre des avis et des recommandations, par exemple, la recommandation n° 08-01 relative aux contrats de vente de voyages proposés sur Internet. Ce document est disponible au lien suivant : Commission des clauses abusives

Absence de droit de rétractation pour la vente de voyages sur Internet

Le principe du droit de rétractation

Une fois que le professionnel a fait parvenir toutes les informations précontractuelles à ses clients et que son offre a été acceptée, le contrat peut valablement se former.

Toutefois, certains clients peuvent changer d’avis après avoir passé une commande sur un site en ligne. Par principe, le droit de la consommation prévoit l’existence d’un droit de rétractation d’une durée de 14 jours pour les contrats conclus à distance.

DéfinitionLe droit de rétractation au sens du Code de la consommation

Le droit de rétractation est aussi appelé le droit de repentir.

Il se définit comme la faculté, reconnue par la loi ou par un contrat, de permettre à son bénéficiaire de rétracter unilatéralement son consentement pendant une durée déterminée.

Lorsqu’un client exerce son droit de rétractation, il n’a pas à donner de motifs ni ne peut subir une pénalité financière.

Les prestations touristiques exclues du droit de rétractation

Selon l’article L. 221-28 du Code de la consommation, certaines prestations sont exclues du droit de rétractation.

C’est le cas des « prestations de services d’hébergement, autres que d’hébergement résidentiel, de services de transport de biens, de locations de voitures, de restauration ou d’activités de loisirs qui doivent être fournis à une date ou à une période déterminée ».

Par conséquent, le droit de rétractation ne s’applique ni aux voyages à forfait, ni aux prestations touristiques non forfaitaires, ni aux services de transports de passagers (avion, train, bateau, etc.).

Toutefois, il sera valable dans tous les autres contrats.

Attention

Les voyagistes qui adressent une offre de contrat électronique à leurs clients doivent indiquer sur ce contrat qu’il n’existe pas de droit de rétractation une fois le contrat signé.