Déontologie en vertu d'autres textes et de chartes internes d'entreprises

Le décret du 28 août 2015 fixant les règles constituant le Code de déontologie applicable aux personnes exerçant les activités de transaction et de gestion des immeubles et des fonds de commerce portant sur le bien d'autrui ne constitue pas la seule norme à respecter en la matière.

En effet, d'autres textes législatifs, réglementaires et internes aux entreprises ou à l'ensemble des adhérents de syndicats professionnels de l'immobilier existent et doivent être scrupuleusement respectés par ces professionnels sous peine de sanctions pouvant aller jusqu'à la radiation de l'adhérent ou révocation du collaborateur.

Conflit d'intérêts et nullité relative de l'article 1161 du Code civil

L'article 1161 du Code civil dans sa rédaction actuelle s'applique à tous les contrats de représentation (exemple de contrat de représentation : une procuration appelée aussi « pouvoir » ou « mandat »).

Ce texte stipule :

« En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d'intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté.

En ces cas, l'acte accompli est nul à moins que la loi ne l'autorise ou que le représenté ne l'ait autorisé ou ratifié ».

Complément

Par l'expression : « deux parties » au contrat, la doctrine considère qu'il faut entendre deux parties ayant des intérêts divergents ou opposés.

Exemple

Un agent immobilier se voit confier un pouvoir pour signer une promesse de vente au nom et pour le compte du vendeur, et pour signer également au nom et pour le compte de l'acquéreur.

Nous devons ici appliquer les dispositions de l'article 1161 et considérer que ledit compromis encourt la nullité sauf autorisation ou ratification par le vendeur et l'acquéreur.

En pratique, mieux vaut que l'agent immobilier refuse fermement de signer pour le compte d'une partie, et a fortiori pour le compte des deux parties ayant des intérêts divergents.

Exemple

Un agent immobilier se voit confier une procuration pour pouvoir signer une promesse de vente au nom et pour le compte du vendeur et décide finalement de signer la promesse également pour son propre compte en tant qu'acquéreur. L'acte encourt alors la nullité.

Par ailleurs, une autre disposition juridique a vocation à s'appliquer dans un tel cas (l'article 1596 du Code civil).

Considérant l'article 1161 du Code civil en vigueur depuis la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 - art. 6 une question se pose, à savoir :

L'agent immobilier peut-il détenir à la fois un mandat de vente du vendeur, et un mandat de recherche de la part d'un acquéreur et conclure une telle transaction (ce que l'on nomme : « le double mandatement » de l'agent immobilier) ?

La Jurisprudence antérieure à la parution de cet article (avant le 1er octobre 2016) y est favorable.

  • La solution la plus sécurisante serait d'introduire une clause au mandat pour le permettre afin d'éviter tout débat à cet égard.

  • D'autres juristes soutiennent que le mandat d'entremise n'est pas un véritable mandat, mais un contrat sans représentation dans la mesure où le mandataire ne peut engager le mandant sans autorisation expresse au mandat.

  • Difficulté d'assurer une information loyale aux deux parties ayant des intérêts par nature divergents.

Remarque

Mieux vaut obtenir l'autorisation en amont respectivement des deux parties, en les informant de l'existence de ces deux mandats et en insérant une clause au mandat à ce sujet.

Prohibition de contrepartie ou nullité de l'article 1596 du Code civil

En application de l'article 1596 du Code civil :

  • Les mandataires ne peuvent se rendre adjudicataires (acquéreurs) des biens qu'ils sont chargés de vendre, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées.

  • Cette interdiction s'applique également au mandat d'entremise et s'applique à toutes les ventes (et non aux seules enchères).

  • Si le dirigeant d'une société (société acquéreur) et le mandataire sont la même personne et ont leur siège à la même adresse, l'acquisition par personne morale interposée engendre l'interdiction de contrepartie au vu de la jurisprudence.

  • En revanche, le négociateur salarié de l'agence immobilière qui achète le bien pour lui-même à titre personnel et non pour le compte de son employeur échappe à la règle de l'article 1596 dudit Code (Cass 1ère civ 18 juin 2014 13-18 010).

Lorsque la nullité relative est encourue, il convient :

  • En amont de la conclusion de l'avant-contrat d'obtenir l'autorisation du vendeur pour que l'acquéreur mandataire se porte contrepartie (= se porter acquéreur).

    Le rédacteur (ex. : notaire) a une obligation d'avertir les parties des conséquences de cette opération.

  • Ou de résilier le mandat.

  • Si l'avant-contrat (ou l'acte) a été regrettablement conclu en méconnaissance de cette règle, il faut impérativement faire un acte de confirmation destiné à couvrir la nullité et faire renoncer le vendeur de toute possibilité d'intenter une action en annulation.

    Cette situation ne doit néanmoins pas arriver.

Le Code de déontologie des agents immobiliers dans son article 9 intitulé « conflit d'intérêts » rappelle cette interdiction de principe qui lui est faite, bien qu'il existe des tempéraments.

Exemple

Un agent immobilier se voit confier par un vendeur un mandat de vente (mandat d'entremise) pour rechercher un acquéreur à un prix déterminé.

Après réflexion et n'ayant pas trouvé d'acquéreur au bout d'un mois, l'agent immobilier fortement intéressé décide se porter acquéreur du bien qu'il est chargé de vendre.

Pour ce faire, l'agent immobilier et le notaire rédacteur de l'acte authentique devront dès l'avant-contrat insérer une clause d'information et d'autorisation donnée par le vendeur à l'acquéreur pour que ce dernier se porte contrepartie.

Il sera également préférable de résilier le mandat qui deviendra en tout état de cause sans objet. Un conseil juridique avisé (notaire, etc.) sera nécessaire en pareil cas.

Interdiction de commissionnement entre diagnostiqueurs immobiliers et agents immobiliers

Le décret du 11 octobre 2010 interdit au diagnostiqueur de commissionner directement ou indirectement l'une des personnes visées à l'article 1er de la loi Hoguet c'est-à-dire les agents immobiliers, administrateurs de biens et marchands de listes.

Cette interdiction posée à l'article L271-6 du Code de la Construction et de l'Habitation existe en raison d'une obligation d'indépendance et d'impartialité de l'opérateur avec le vendeur, le mandataire, et toute entreprise qui effectuerait des travaux sur le bâtiment expertisé.

La méconnaissance de cette règle fait encourir une amende pénale de 5ème classe (R271-4 CCH) de 1 500 €.

Cette indépendance se conçoit notamment en termes capitalistiques directs, la société de diagnostic ne devrait par exemple pas être une filiale d'une agence immobilière.

Ainsi, par jugement du 22 mars 2010 (donc avant la parution du décret du 11 octobre 2010), le Tribunal de Grande Instance d'Angers avait déjà sanctionné deux entreprises de diagnostics immobiliers qui commissionnaient des agents immobiliers en contrepartie d'apports d'affaires via un programme de fidélisation consistant, pour chaque règlement de diagnostic technique apporté par l'agence, dans l'attribution à celle-ci de points à convertir en chèques-cadeaux.

Considérant qu'elle « place le diagnostiqueur en position de dépendance économique vis-à-vis de son donneur d'ordre, en raison du flux de clients potentiels qu'elle génère », le Tribunal a condamné les entreprises à cesser ces pratiques sous astreinte de 5 000 € par jour de retard et à verser la somme de 15 000 € à l'UFC - Que choisir au titre de dommages et intérêts.

Conflit d'intérêts et devoir d'information, de transparence et d'indépendance en vertu de la loi Hoguet (article 4-1 de la loi et 95-2 de son décret)

Lorsque les professionnels de l'immobilier soumis à la loi Hoguet proposent à leurs clients les services d'une entreprise, ils sont tenus de les informer, dans des conditions définies par écrit, en même temps que la proposition du service et avant la conclusion de tout contrat avec ladite entreprise, d'éventuels liens directs de nature capitalistique ou des liens de nature juridique qu'elles ou leurs représentants légaux et statutaires ont ou que les directeurs d'agence (établissements secondaires) et les collaborateurs (ex. : négociateurs, gestionnaires, etc.) intervenants pour ces clients ont avec cette entreprise.

Cette obligation s'applique également lorsque ces professionnels de l'immobilier proposent à leurs clients les services d'un établissement bancaire ou d'une société financière.

Par ailleurs, les directeurs d'agence (de succursales) et les collaborateurs sont tenus d'informer le titulaire de la carte professionnelle de leurs liens juridiques ou capitalistiques qu'ils ont avec une entreprise, un établissement bancaire ou une société financière dont les services sont proposés aux clients par le titulaire de la carte professionnelle.

Exemple

Lorsqu'un collaborateur ou un directeur d'agence sélectionne un prestataire, un fournisseur, ce choix ne doit se faire que sur des critères objectifs fondés sur le besoin du client, la qualité et le coût approprié de la prestation.

Des éléments subjectifs comme un favoritisme basé sur des rapports amicaux ou familiaux sont à exclure, car contraires à l'indépendance.

De surcroît, les collaborateurs ne devront pas recevoir de ces prestataires ou fournisseurs des cadeaux ou avantages de grande valeur et fréquemment (art 9 du décret notamment).

Loi SAPIN II

La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « sapin II » oblige les entreprises d'au moins 500 salariés (dont le chiffre d'affaires est supérieur à 100 millions d'euros) à mettre en œuvre un programme complet et effectif de lutte contre la corruption et le trafic d'influence, notamment par l'intermédiaire :

  • D'un Code de conduite définissant les différents types de comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption et de trafic d'influence.

    Exemple : relations avec les fournisseurs, partenaires invitations diverses et cadeaux.

  • D'un dispositif d'alerte interne correspondant à une procédure sécurisée permettant aux collaborateurs de l'entreprise de signaler des pratiques frauduleuses ou des atteintes à l'intérêt général.

    Ce dispositif concerne les entreprises employant plus de 50 personnes.

  • D'une cartographie des risques identifiant les risques d'exposition de l'entreprise à des actes de corruption.

  • Des procédures de due diligence pour évaluer la situation des clients et prestataires.

  • Des procédures de contrôle comptable destinées à s'assurer qu'aucun fait de corruption ou de trafic d'influence ne sont masqués par la comptabilité.

  • D'un dispositif de formation des personnels les plus exposés aux risques.

  • D'un régime disciplinaire permettant de sanctionner les manquements au Code de conduite de la société.

L'Agence française anti-corruption veille au respect de ces mesures et prononce des sanctions pécuniaires ou d'injonction de mise en conformité par l'intermédiaire d'une commission.

L'agent immobilier et ses collaborateurs sont également soumis aux obligations « TRACFIN » concernant la lutte contre le blanchiment qui leur impose de signaler tout comportement « suspect » sur l'origine des fonds et sur la possibilité d'un achat ou d'une vente via un « homme de paille ».

Règles préconisées en matière de chartes déontologiques internes aux entreprises et de Comité d'éthique et de déontologie

DéfinitionCharte déontologique d'entreprise

Document de référence par lequel une société fixe les règles internes qu'elle se fait le devoir de faire respecter afin de prévenir tout comportement qui serait de nature à porter préjudice aux intérêts de ses clients, tiers, ou à ses propres intérêts et ceux de ses collaborateurs.

Le souci de protection des clients et la gestion des situations de conflits d'intérêts sont au cœur de la charte.

Il s'agit ici de lister les règles récurrentes à respecter dans toutes les chartes déontologiques internes pour les professionnels de l'immobilier.

Nous trouverons, en principe, les 11 points énoncés au décret du 28 août, à savoir :

  • Éthique,

  • Rappel du respect des lois et règlements (lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme notamment),

  • Compétence et formation Organisation de l'entreprise Transparence Confidentialité,

  • Défense des intérêts en présence et conflits d'intérêts Confraternité,

  • Règlements des litiges,

  • Procédure disciplinaire (externe).

Aussi, l'accent pourra être mis sur des points essentiels et particuliers comme :

  • Un rappel du principe de non-discrimination et d'objectivité : toute considération d'une personne en fonction de son origine, race, patronyme, apparence physique, sexe, etc. est strictement prohibée.

  • Un rappel de la compétence, de la formation, de la loyauté qui passe notamment par des évaluations immobilières à la valeur la plus juste (valeur vénale ou valeur locative).

  • Une procédure concernant les opérations immobilières personnelles des collaborateurs.

    Exemple : l'achat par un négociateur d'un bien qui appartient à un mandant de l'agence (mandant vendeur ou mandant bailleur).

  • L'organisation de la procédure disciplinaire en interne et les sanctions applicables pouvant aller jusqu'au licenciement.

  • Le cas échéant, la composition et le rôle du Comité d'éthique et de déontologie de l'entreprise :

    • Son rôle : il a notamment pour objet d'examiner des situations complexes ou sensibles à apprécier dans lesquelles des manquements aux lois, règlements et Code de déontologie réglementaire ou interne ont été constatés et nécessitant des arbitrages préalables à la prise de décision. Il interviendra donc en cas d'alerte éthique.

      Toutefois, le comité d'éthique et de déontologie joue également un rôle consultatif, le plus souvent au bénéfice exclusif des dirigeants qui peuvent saisir le comité pour toute question ou demande d'avis sur une problématique rencontrée.

    • Sa composition : il peut s'agir de membres internes et externes à l'entreprise nommés par la direction générale.

Vidéo "Déontologie dans l'immobilier"

Vidéo "Déontologie dans l'immobilier" écrit et présenté par richard Dessens

Après avoir défini le concept de déontologie, l'auteur de la vidéo vous propose de faire un rappel sur l'évolution de l'éthique professionnel. Un focus sera fait sur les 3 derniers décrets qui encadrent l'évolution de la déontologie.