Caractéristiques chromatiques dans l'histoire de l'art

Contexte

Le premier rôle de la couleur dans l'histoire de l'art a été de coloriser le dessin. Son aspect était souvent lisse, et les couleurs imitaient la réalité. Les couleurs utilisées par les artistes dépendaient des matières trouvées dans la nature.

Ce n'est qu'à partir de l'impressionnisme que la couleur commence à être utilisée comme une matière, comme un nouveau langage d'expression. La prise d'autonomie de la couleur sera développée de plus en plus largement, grâce notamment à la chimie et au développement de nouvelles couleurs, plus vives et pures.

Les artistes travaillent avec des techniques et des moyens d'expression différents selon les courants artistiques. La couleur sert alors à structurer l'espace, la surface et le temps.

Art pariétal : la nature au service de la couleur

À l'époque préhistorique, les hommes s'exprimaient avec les couleurs qu'ils trouvaient dans leur milieu naturel.

  • Les ocres jaunes étaient principalement obtenues à partir de terres.

  • Les ocres rouges, également obtenues à partir de terres, se trouvaient aussi dans les racines de Garance, ou l'oxyde de fer.

  • Les blancs étaient réalisés grâce au calcaire.

  • Les noirs provenaient du charbon de bois ou du manganèse.

Art antique : la découverte de nouveaux pigments

Des couleurs plus vives apparaissent à l'Antiquité grâce à l'utilisation de nouveaux pigments naturels.

  • Apparaît le bleu vif, obtenu grâce à un minéral rare, le lapis-lazuli.

  • Ainsi que le rouge, tiré de la glande d'un mollusque portant le nom de pourpre.

À cette époque, on utilisait les couleurs surtout pour représenter le réel, chacune étant associée à un élément figuratif. Les couleurs sont appliquées comme un « coloriage » du dessin, et seulement au service de ce dernier.

Certaines sculptures et certains monuments étaient complètement peints, à l'opposé de la vision que nous en avons aujourd'hui. En effet, l'érosion a effacé leurs couleurs, ne laissant aujourd'hui que le support en pierre.

Art médiéval : la fabrication artisanale des pigments

Les techniques pour obtenir des couleurs deviennent un réel savoir-faire transmis de génération en génération. Le mélange des couleurs n'est pas encore utilisé : afin d'obtenir la teinte désirée, les peintres superposent les couches. Cependant, les techniques évoluent et la palette de couleur s'agrandit.

Apparaissent le bleu indigo, issu de l'arbuste indigotier ; le bleu azur extrait d'un minéral tout comme le bleu cobalt et le bleu outremer.

La famille des jaunes s'agrandit : le jaune perse ou aussi appelé l'orpiment, nom du minéral ; le jaune de Naples provenant du tuf volcanique du Vésuve. Des végétaux tels que la gaude, le safran et la graine d'Avignon permettaient d'avoir des nuances de jaunes plus ou moins orangées.

Les nuances de rouge se font de plus en plus précises. Le rouge pourpre, extrait d'une variété de lichen nommé l'orseille ; le rouge carmin et rouge vermillon, obtenus grâce à un parasite.

Enfin, on obtenait le vert, soit à partir de la pierre du nom de malachite, ou par les composants siliceux de la terre verte de Vérone. Le vert de gris, quant à lui, était obtenu par l'oxydation de lamelles de cuivre. Le pigment turquoise, provenant de Turquie, serait obtenu par le broyage de la pierre portant le même nom.

Art de la Renaissance : le début des mélanges de couleurs

Grâce à l'apport de liants naturels, tels que l'huile et la gomme arabique, les mélanges sont rendus possibles.

La peinture à l'huile offre ainsi la possibilité d'utiliser des couleurs d'une plus grande intensité en utilisant une technique d'application en couches successives. L'illusion du réel, avec la notion de perspective, va également profiter de ces apports techniques.

Impressionnisme et post-impressionnisme : la chimie au service de la couleur

Par différents procédés chimiques, les couleurs de synthèse apparaissent, facilitant ainsi le travail de préparation engagé par le peintre. Les couleurs, conditionnées dans un tube en étain, sont utilisables immédiatement et donnent ainsi une plus grande liberté d'expression à l'artiste.

Cette autonomie dans le travail de peinture va avoir de fortes répercussions sur les mouvements artistiques à venir, tels que le romantisme, l'impressionnisme ou encore le pointillisme.

Les impressionnistes utilisent les nouveaux matériaux pour peindre en extérieur, à l'inverse des codes académiques, ils observent et traduisent l'influence de la lumière naturelle. Les couleurs ne sont pas mélangées, mais divisées en touches de peintures. En se reculant pour observer le tableau, les couleurs se confondent. Ils sont très influencés par les nouvelles théories des couleurs, notamment De la loi du contraste simultané des couleurs de Michel-Eugène Chevreul, publié en 1839.

Cette théorie inspira également Georges Seurat, créateur du pointillisme, mouvement artistique post-impressionniste. Également appelé le divisionnisme, les images sont construites par la juxtaposition de points de couleurs complémentaires, dans la continuité de l'impressionnisme qui utilisait des superpositions de touches de couleurs.

Comme les premières photographies étaient exclusivement en noir et blanc, les peintres ont commencé à exploiter les couleurs. Les photographies étaient plates, alors des artistes comme Vincent Van Gogh ont commencé à utiliser une peinture texturée, épaisse, parfois pressée directement du tube sur la toile.

Fauvisme (1905-1910) : la libération de la couleur

Le fauvisme est le premier courant artistique qui prône la libération de la couleur, elle se dissocie du sujet sur lequel elle est appliquée pour devenir l'élément principal de l'œuvre. La palette chromatique de la réalité est modifiée avec beaucoup d'audace et de nouveautés pour l'époque, créant souvent l'hostilité face à ce courant artistique. Les principaux représentants de ce courant français sont Henri Matisse (1869-1954), André Derain (1880-1954) et Maurice de Vlaminck (1876-1958).

La couleur pure et vive est utilisée en larges aplats et en touches de pinceau amples et marquées. Les couleurs fortement contrastées accrochent l'œil, parfois de façon agressive. L'utilisation de la couleur permet aux fauves d'affirmer leurs nouveaux regards sur le monde. Elle devient plus émotionnelle que descriptive, autour de sujets figuratifs, le plus souvent des paysages, mais aussi des portraits.

Les formes sont simplifiées, la perspective et le modelé des volumes sont absents au profit de larges surfaces colorées et de motifs, sans recherche de nuance ou de dégradé. L'impression de profondeur est donnée par l'utilisation de plans colorés contrastés.

Bleu Klein (années 1960) : la couleur devient œuvre d'art

Yves Klein (1928-1962) est un des artistes français les plus importants du 20ème siècle. Il a passé de nombreuses années à créer sa couleur, le « bleu Klein », à la luminosité si caractéristique.

Pour inventer cette nouvelle couleur, il part d'un bleu outremer, issu des lapis lazuli. En mélangeant ce bleu saturé avec une résine synthétique, il renforce la brillance de la couleur, qui donne à ses tableaux une impression de « lumière bleue irradiante ». En observant les grands monochromes de Klein, on voit d'ailleurs des caractéristiques optiques apparaître. En effet, en fixant une couleur, l'œil aperçoit autour de cette couleur sa couleur complémentaire. Ainsi, en fixant un monochrome d'Yves Klein, les murs blancs qui l'entourent sembleront vite orange, irradiés par la couleur complémentaire du bleu, d'autant plus vive que le bleu Klein est saturé.

Ce bleu, fabriqué à partir d'outremer, a une connotation importante dans l'histoire de l'art : c'est en effet à partir de cet outremer - lapis lazuli - qu'on peignait les madones et les cieux divins au Moyen Âge. Ce bleu traduit donc une forte spiritualité.

Yves Klein ira jusqu'à le faire enregistrer à l'institut national de la propriété intellectuelle, sous le nom « IKB » - pour International Klein Blue. Une première pour une couleur !

Par définition, le bleu Klein est quasi impossible à rendre à l'impression. Il faut se confronter aux œuvres pour apprécier la luminosité de la couleur, si particulière.

La technique du monochrome, permet d'utiliser la couleur comme unique moyen de transmettre le message : elle donne la priorité absolue à la couleur sur la forme. Ce genre, utilisant des pigments d'une grande intensité, fait écho aux techniques utilisées au Moyen Âge.