Variations autour du pictogramme : de l'information à la stylisation

Entre lisibilité et créativité : le degré d'iconicité

Dans ces pictogrammes, nous avons vu des éléments familiers que l'on croise dans notre quotidien, qu'il s'agisse d'un déplacement dans un aéroport ou du code de la route. Mais comment sont-ils développés ?

En effet, entre les pictogrammes de l'ère Mésopotamienne et ceux d'aujourd'hui, il y a de grandes différences : c'est ce que l'on appelle en design le degré d'iconicité, c'est-à-dire, le niveau d'abstraction de l'image traitée. Ce concept, encore très utilisé aujourd'hui, a été défini en 1971 par Abraham Moles. Il prit ainsi l'exemple d'une vache, dont l'iconicité va de la vache elle-même (le réel) à un symbole tacite de la vache (c'est-à-dire une représentation abstraite poussée à l'extrême, comme le fait de pointer ses doigts au-dessus de sa tête pour former des cornes).

Ce qui est intéressant, c'est que lors d'un projet, c'est souvent le rôle du graphiste de définir avec le client l'identité graphique d'une marque, et ainsi de définir son échelle d'iconicité. En cela, les possibilités visuelles sont quasi-infinies.

ExempleL’échelle d’iconicité par Abraham Moles, 1971 :

1. Iconicité maximale : Le réel, lui-même

2. Photographie du réel :

3. Illustration :

4. Dessin schématique :

5. Pictogramme :

6. Diagramme :

7. Idéogramme (naissance de l’écriture) :

8. Mot–image :

9. Onomatopée :

10. Mot arbitraire (iconicité nulle) :

11. Symbole abstrait :

12. Symbole tacite :

Complément

De la même manière, il est difficile de citer le travail de Moles sans parler du taureau de Picasso. En effet, dans sa démarche artistique, l'artiste a commencé par dessiner un taureau réaliste, pour le reprendre au fil des jours en le rendant plus abstrait. Il a réalisé ces dessins entre 1945 et 1946 et a ainsi simplifié le taureau à l'extrême, représentant ainsi une partie du spectre de l'iconicité :

Quoi qu'étant le plus connu, il ne fut pas le seul à jouer avec les degrés de l'iconicité en peinture, puisque Theo Van Doesburg représentait pour sa part une vache avec des échelles différentes d'abstraction, en 1918 :

Remarque

Attention, si le graphiste peut laisser cours à sa créativité, il se peut que son pictogramme devienne trop abstrait pour être compréhensif. On parle alors de seuil de lisibilité, soit lorsque le visuel atteint sa limite de représentation. Si cela a un intérêt en design graphique pour pousser le sujet dans ses retranchements et imaginer des visuels, cela est moins pertinent (pour ne pas dire hors sujet) pour un pictogramme censé délivrer une information.

Stylisation du pictogramme : un usage plus commercial

Remarque

Comme nous l'avons vu, les pictogrammes ont pour avantage de synthétiser une information afin de la communiquer au plus grand nombre : on peut comprendre un pictogramme sans parler la langue locale ou dans un lieu plurilinguistique (comme un aéroport). En situation d'urgence, un visuel est souvent plus efficace qu'un texte, on le mémorise facilement. Enfin, par ses couleurs contrastées, on le repère de loin.

En cela, il semblerait que le pictogramme ne serve qu'à informer. Pourtant, afin de répondre à des problématiques commerciales et marketing, nombre de marques et institutions vont venir « re-brander » ces pictogrammes afin de les intégrer dans leur charte graphique. Cela permet de garder la substance du pictogramme (son information) sans pour autant jurer avec le reste de l'identité graphique de la marque ou du lieu.

Exemple

Ces pictogrammes plus commerciaux, nous les retrouvons notamment aux Jeux Olympiques. En effet, c'est à partir de 2016 que le CIO (Comité International Olympique) met en place un pictogramme par sport pour en faciliter l'identification et le suivi. En voici un exemple avec les pictogrammes des jeux de Tokyo 2020 :

Exemple

Plus encore, le pictogramme est devenu virtuel. Représentatif de l'augmentation du trafic sur internet, le web design intègre de plus en plus les codes du monde réel afin de proposer une expérience utilisateur satisfaisante sur le web. De la sorte, on intégrera nombre de pictogrammes sur son site afin de guider l'utilisateur, comme ici avec le site de La Poste (encart du menu à gauche) :

En somme, le pictogramme peut aussi avoir un usage plus commercial, et s'éloigne peu à peu des standards de sécurité et de son rôle d'avertisseur de danger.