Pratique et choix de la typographie

Associations de caractères de la même famille

Il vaut mieux éviter de mélanger trop de typographies différentes dans une même mise en page, car cela a un effet perturbant et peu esthétique. Pour garder une certaine homogénéité et éviter les fautes de goût, on évitera tout d'abord l'association de caractères qui appartiennent à la même famille typographique.

Exemple

Imaginons que dans une même mise en page, les caractères Bodoni et Didot, appartenant à la famille des Didones, sont associés. Cela ne va pas surprendre au premier coup d'œil, car ils ont les mêmes caractéristiques graphiques, seulement quand on y regarde de plus près, cela va créer un conflit visuel inopportun qui va insidieusement générer un malaise chez la personne qui va regarder la composition, elle va comprendre que quelque chose ne va pas sans être capable de mettre le doigt dessus.

Associations de caractères créés par différents studios

Il faudra également éviter d'utiliser des caractères qui possèdent quasiment le même nom, mais qui n'ont pas été dessinés par les mêmes graphistes ou les mêmes studios. C'est un problème qui se pose surtout avec les caractères anciens.

Exemple

Au 16e siècle, la gravure d'un caractère typographique n'était pas une science exacte, car faite à la main. Quand on réalisait un jeu entier d'alphabet, il était impossible de le reproduire à l'identique une deuxième fois, le facteur humain entrant en jeu. Il en fut ainsi pour le Garamond, dessiné à l'origine par Claude Garamont, car chaque studio contemporain qui l'a redessiné l'a fait à partir d'une numérisation d'un livre ancien souvent différent d'un autre dessinateur. Ce qui fait qu'aujourd'hui on retrouve par exemple, le Simoncini Garamond, le Adobe Garamond, le ITC Garamond ou encore le Stempel Garamond. Toutes ces polices de caractères sont légitimes et leur utilisation du nom Garamond est justifiée, mais il est totalement déconseillé de les utiliser conjointement sur une mise en page, car certaines versions sont très différentes l'une de l'autre.

Associations de caractères à forte personnalité

Il faut également éviter l'association de caractères à forte personnalité. Ceux-ci n'étant ni passe-partout ni polyvalents, les typographies au graphisme particulier, avec une forte personnalité sont généralement très imposants et ont tendance à attirer l'œil. Si elles sont associées, ces typographies ont tendance à créer une sorte de déséquilibre hiérarchique, car chaque caractère se bat visuellement avec l'autre, attirant le regard là où il ne devrait pas l'être.

Exemple

Dans une mise en page, on ne doit pas vraiment se rendre compte des caractères et de leur place, ils sont comme invisibles, le travail de composition est ainsi réussi.

Associations de caractères qui fonctionnent

Il y a plusieurs associations de caractères à utiliser sans aucun risque. Ainsi le mélange dans une même mise en page de variation d'un seul et même caractère est peu risqué, à condition que cela soit fait avec parcimonie.

Le mélange de caractères avec et sans empattements, ou serif et sans serif pour les anglophones, cohabite parfaitement dans une même composition, car les caractères sont complémentaires l'un de l'autre. Plus le contraste est élevé, plus le mélange est pertinent.

Enfin, l'association d'un caractère classique avec un caractère contemporain crée un contraste bienvenu entre deux formes artistiques.

Exemple

Le caractère Univers, dessiné par Adrian Frutiger à la fin des années 50, existe dans de très nombreuses déclinaisons : étroit, large, maigre, fin, épais, etc. Puisque c'est le même caractère, dessiné par le même dessinateur, avec des principes identiques de structuration de la forme des lettres, le mélange des différentes versions de l'Univers est possible dans une mise en page.

Un texte long en caractère de labeur comme Baskerville se marie bien avec des titres en Futura, police grasse et sans empattements. L'association obtenue fonctionnera parfaitement.

Le Plantin, caractère classique créé au 16e siècle, peut être utilisé pour les textes. Pour les titres, on pourra utiliser un caractère très contemporain et carré comme le Minimum de Pierre Di Scullio. L'association fonctionne parfaitement, car il n'y a pas de bataille visuelle entre les deux caractères.

Pratique de base de la mise en page

La pratique de la mise en page consiste à placer les caractères typographiques dans un cadre, comme une feuille de papier, un magazine, un article, un écran d'ordinateur ou de smartphone. On y ajoutera des couleurs et des éléments visuels comme des photos ou des illustrations. Les principes de mise en page s'appliquent quasiment de la même manière, quel que soit le support.

Il faudra donc prendre en compte les blancs créés par les espaces entre tous ces éléments. Ces zones blanches ne contiennent ni textes ni images, il s'agit donc de toutes les zones vides qui se trouvent à l'intérieur et autour de la composition.

On parle alors de marges, en haut, en bas, à gauche et à droite, c'est ce qu'on appelle le blanc tournant. Les blancs sont des éléments de graphisme à part entière, qu'il faut traiter avec autant d'importance que des éléments de texte ou d'image.

Pour faire une mise en page pointilleuse, on pourra s'appuyer sur des canons anciens : les tracés régulateurs, les plus connu étant ceux de Villard de Honnecourt. Ils permettent de calculer la taille des marges d'un document pour un résultat de grande qualité.

Complément

Les logiciels professionnels les plus répandus pour créer des mises en page sont Adobe InDesign et Quark XPress.

Calcul des marges pour la mise en page

La mise en page d'un livre ou d'une brochure se conçoit dans son ensemble, les pages sont placées en vis-à-vis, avec la page de gauche et celle de droite. Le calcul des marges se fera donc en conséquence. La marge du haut s'appelle la tête, celle du bas le pied, la marge intérieure côté reliure se nomme le petit fond, le grand fond étant la marge extérieure, côté bord du document.

Exemple

Pour un imprimé standard, de 120 mm de large sur 180 mm de haut, la largeur du bloc de texte correspondra au 3/4 de celle de la page, donc 90 mm. Il restera donc 30 mm de blanc sur la largeur de la page. Cette valeur sera divisée en 10 (3 mm), ainsi on obtient automatiquement la dimension des marges grâce à cette répartition :

  • 4/10 = 12 mm pour le petit fond,

  • 5/10 = 15 mm pour la tête,

  • 6/10 = 18 mm pour le grand fond,

  • 7/10 = 21 mm pour le pied.

Ce calcul s'adapte à n'importe quelle taille de papier.

Mise en page d'un imprimé de qualité

La mise en page d'un imprimé de qualité est faite avec plus d'espace entre le bord de la page et le bloc de texte, les marges vont donc augmenter. Cette règle est ancrée dans la culture collective depuis très longtemps, et ce depuis les débuts de la publicité. À l'époque, un annonceur achetait un espace disponible au sein d'une page pour pouvoir faire sa communication, celui-ci était minuscule, car très cher. Les annonceurs avaient ainsi tendance à mettre le plus de choses possible dans ces petits espaces, créant ainsi des pages chaotiques couvertes de textes et d'images. Alors quand un annonceur décide d'acheter la moitié de la page pour y placer seulement quelques éléments, le regard des lecteurs s'arrête obligatoirement dessus, remarquant que la marque peut se payer un espace très cher en y laissant beaucoup de vide.

Exemple

Pour un imprimé de qualité, de 120 mm de large sur 180 mm de haut, la largeur du bloc de texte correspondra au 2/3 de celle de la page, donc 80 mm. Il restera 40 mm de blanc sur la largeur de la page. Cette valeur sera divisée en 10 (4 mm), ainsi on obtient automatiquement la dimension des marges grâce à cette répartition :

  • 4/10 = 16 mm pour le petit fond,

  • 5/10 = 20 mm pour la tête,

  • 6/10 = 24 mm pour le grand fond,

  • 7/10 = 28 mm pour le pied.

Ce calcul s'adapte à n'importe quelle taille de papier.

Tracés régulateurs de Villard de Honnecourt pour un imprimé de luxe

Pour un imprimé de luxe, il suffit d'augmenter encore un peu l'espace vide de chaque côté du bloc de texte. Pour cela, on ne va plus calculer avec des millimètres, mais plutôt utiliser les tracés régulateurs de Villard de Honnecourt. Ils se tracent avec un logiciel comme Photoshop ou Illustrator, mais aussi, et plus simplement, avec une règle et un crayon sur une feuille de papier.

Exemple

Sur les deux pages en vis-à-vis, on commence par tracer une diagonale entre le bord supérieur gauche de la page de droite, et le bord inférieur droit de la même page.

On tracera une deuxième diagonale partant du bord supérieur droit de la page de droite pour rejoindre le bord inférieur gauche de la page de gauche.

On pourra ensuite tracer les mêmes traits en miroir sur la page de gauche, puis on reliera les points d'intersection à gauche et à droite pour tracer une ligne verticale.

Après cette première structure, on pourra retracer quelques lignes en partant des points d'intersection créés, on obtiendra alors le point de départ du bloc de texte, il suffira alors de dessiner un trait horizontal vers la droite de la page, jusqu'à ce qu'il rencontre le premier trait diagonal, puis un trait vertical descendant, un trait vers la gauche pour finir en remontant vers le point de départ, en s'arrêtant à chaque fois aux intersections.

On reproduira les mêmes étapes sur la page de gauche, en symétrie. Ce tracé de Villard de Honnecourt s'adapte à n'importe quelle taille de papier.

Améliorer la justification et l'interlignage

En mise en page, la première des règles à respecter est de limiter le nombre de mots par ligne, car une ligne trop longue à lire rend la lecture désagréable. Généralement, on se limite à 8 mots par ligne. Quelle que soit la police de caractère utilisée, le corps de texte doit se situer entre 8 et 12 points typographiques.

La justification du texte est également primordiale, chaque ligne aura ainsi la même largeur, sauf la dernière ligne du paragraphe qui comporte moins de mots et qui sera alignée à gauche, on dit qu'elle est ferrée à gauche.

On obtiendra alors un gris typographique plus ou moins homogène selon le logiciel de mise en page utilisé. Si on plisse les yeux, les textes deviennent flous et forment un bloc gris, la composition est alors réussie. Si on observe plutôt une alternance de lignes noires et blanches, alors il faudra réduire l'interlignage, qui est l'espace entre les lignes d'un paragraphe. Il doit être, en règle générale, de 2 points supérieurs à la taille de la police.

L'espacement entre les lettres, l'interlettrage est également important à prendre en compte. Même si la majorité des logiciels le font automatiquement, certains ne le gèrent pas très bien, élargissant l'espace entre les mots, ou l'espace entre les lettres, créant ainsi des blancs qui vont perturber le gris typographique et la lisibilité.

Exemple

Un Garamond en corps 10 points devrait avoir un interlignage de 12 points, car s'il est inférieur, les descendantes et les montantes de chaque lettre vont avoir tendance à se chevaucher, ce qui rendra la lecture difficile. À l'inverse, avec un interlignage trop important, les lignes seront trop séparées et le gris typographique ne sera plus homogène.

Remarque

La typographie n'est pas une science exacte, elle évolue beaucoup et toutes les règles énoncées sont surtout des garde-fous. En respectant ces règles, vous ne risquez pas de faire de faux pas. Libre à vous de l'expérimenter, en créant des mises en page qui sortent de l'ordinaire.