Mesurer l’impact de ses actions

Dans la section précédente, les impacts de l’humanité sur le climat ont été présentés à l’échelle globale. Ils ont été rapportés au secteur d’activité ou à la population.

Mais, pour aller plus loin, nous pouvons recenser les émissions individuelles d’une personne ou d’une entreprise spécifiquement, on parle alors de bilan carbone. Ce dernier permet de mesurer quels biens consommés ou activités sont les plus émetteurs de gaz à effet de serre.

En 2021, le ministère de la transition écologique estime le bilan carbone moyen français à 8,9 tCO2eq. par habitant, en sachant que ce chiffre ne tient pas compte de la déforestation importée ; laquelle correspond à l’achat de biens dérivant de la déforestation, ce qui signifie une diminution de la captation, et ce qui revient à une augmentation de l'émission.

Le cabinet de conseil Carbone 4 propose donc de revoir ce bilan à la hausse, et estime ce bilan moyen à 9,9 tCO2eq[1].

Ce bilan moyen se décompose en 5 grandes catégories : le transport, l’alimentation, le logement, l’achat de biens et services, et la dépense publique.

Fondamental

  • Je me déplace (les transports) : les transports représentent un peu plus de 25 % du bilan moyen. Ces 25 % se décomposent entre la voiture (20 %) et l’avion (4 %).

  • Je mange (l’alimentation) : l’alimentation représente un peu moins de 25 % du bilan moyen, et se décompose entre la viande (9 %), les boissons (5 %), le lait et les œufs (4 %) et les autres produits.

  • Je me loge (le logement) : le logement représente 20 % du bilan moyen. Les émissions sont concentrées par le chauffage au gaz ou au fioul (12 %) et, dans une moindre mesure, par les émissions de la construction du logement (4 %) qui sont rapportées au temps d’utilisation.

  • Je consomme (les achats de biens et services) : les achats de biens et services représentent 15 % du bilan moyen avec, par ordre d’importance, les achats pour la maison (électroménager, meubles, etc.), les loisirs, l’électronique et les télécommunications, et les vêtements.

  • Je vis en société (la dépense publique) : la dépense publique recouvre toutes les émissions dues à la vie en société dans un pays (l’administration, la défense, la santé, l’enseignement, les infrastructures, etc). Ces émissions représentent un peu moins de 15 % du bilan moyen.

Ce bilan moyen est quelque peu réducteur, mais il permet de saisir les grands gisements d’émissions à l’échelle individuelle : la voiture, la viande et le chauffage au gaz ou au fioul.

Ce bilan carbone moyen français est légèrement supérieur au bilan moyen mondial qui se situe autour de 7,7 tCO2eq. d’après le GIEC.

Toutefois, les bilans peuvent être très inégaux : certaines régions du monde ont un bilan moyen individuel de 2,6 tCO2eq., et d’autres de 19 tCO2eq. Il est important de garder à l’esprit ces inégalités. En effet, les 10 % plus riches sont responsables d’environ 40 % des émissions, les 40 % suivants d’environ 45 % et la dernière moitié de la population de seulement 15 % des émissions mondiales.

Là encore, il convient de souligner les inégalités existantes au sein des régions. Il faut bien distinguer le bilan carbone d’un individu donné du bilan carbone national moyen.

En effet, comme tous les individus n’ont pas le même comportement ou les mêmes modes de consommation, certains peuvent avoir un bilan carbone bien plus important que d’autres. Une activité très polluante, mais pratiquée par peu de personnes, pèsera peu sur le bilan moyen, mais augmentera énormément le bilan des personnes pratiquantes.

C’est le cas, par exemple, de l’aviation qui ne représente que 4 % du bilan moyen français. Toutefois, réaliser un vol aller-retour de Paris à New York émet environ 2 tCO2eq par passager, soit 20 % du bilan moyen français.

D’après les Nations Unies, une situation climatique soutenable nécessiterait un budget mondial moyen d’émission par personne de 2,1 tCO2eq[2].

Ce chiffre résonne avec celui de 2 tonnes généralement mentionné comme objectif. Ici encore, raisonner sur le bilan mondial occulte les inégalités d’émissions et de moyens de réduction. Viser une émission individuelle de 2 tonnes pour chaque individu n’est pas nécessairement juste ou équitable. Toutefois, cet ordre de grandeur, comparé au bilan moyen français, permet de mesurer l'étendue de la tâche, mais aussi les voies pour y accéder.

Focus sur l’alimentation

Lors de la mesure d’un bilan carbone individuel, on procède généralement de la façon suivante :

  • On inventorie ce qui est consommé par la personne (tant d’électricité et de vêtements par an, tant de repas avec de la viande par semaine, etc.).

  • On multiplie les produits consommés par la quantité de gaz à effet de serre émise en moyenne pour produire ce type de produit.

Toutefois, il peut exister des différences d’émissions importantes entre deux produits du même type, suivant leur mode de production ou de livraison par exemple. Il est donc important de se questionner sur le type de produit que l’on consomme, mais aussi sur le produit en particulier. Deux packs de lessive de producteur différents peuvent ainsi avoir des impacts sur la biosphère très différents.

L’alimentation offre de nombreux exemples de telles différences d’émissions. C’est notamment le cas de la consommation de viande, qui représente presque 10 % du bilan moyen français total.

En effet, la production de viande est très émettrice puisqu’elle cumule les émissions de production de l’alimentation du bétail et les émissions de méthane par le bétail. Toutefois, en fonction du bétail, ces émissions peuvent varier. Effectivement, les émissions de méthane ne sont pas identiques d’un animal à l’autre, ou car certains animaux consomment moins de céréales (donc moins d’émissions de production) sur leur durée d’élevage.

Ainsi, le boeuf et l’agneau sont particulièrement émetteurs, avec plus d’une vingtaine de kg CO2eq. par kilogramme de viande produit, par rapport au porc ou au poulet, qui affichent moins d’une dizaine de kg CO2eq. par kilogramme de viande produit.

Ces valeurs sont des estimations à l’échelle mondiale qui peuvent être précisées en fonction du pays d’origine. D’après l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, 1 kg de viande de bœuf produite en France représente une émission de 22 kg CO2eq., alors que la même masse de viande produite en Argentine représente une émission de plus de 33 kg de CO2eq.

Ces chiffres ne prennent pas en compte le transport, mais seulement les émissions dues aux techniques d’élevage et à la déforestation induite. L’empreinte de viande produite en Argentine et consommée en France est encore plus importante à cause du transport.

De façon identique, une tomate aura une empreinte carbone différente suivant son mode de culture (plein air, sous serre) et son importation (distance et mode de transport). Pour mesurer son impact réel sur le climat, il est important de faire attention à ces deux aspects : le type de produits consommés et leur mode de production et de transport.

AttentionL’impact sur la biodiversité souvent oublié

Puisqu’il existe un indicateur unique qui permet de mesurer, d’agréger et de comparer les impacts, nous nous sommes concentrés sur le bilan carbone, et donc sur l’effet de l’activité sur le climat. Pour ce qui est de l’impact sur la biodiversité, il est difficile à agréger dans un seul indicateur. Il ne demeure pas moins primordial de s'interroger sur l’impact de ses actions et activités à l’échelle individuelle sur la biodiversité.

En ce qui concerne l’alimentation, les denrées les plus impactantes pour la biodiversité sont également les produits issus de la production animale. Près de 70 % de la surface agricole est utilisée pour l’élevage (pâturage, production de céréales pour l’alimentation des bêtes, etc.), ainsi que presque 30 % de la consommation d’eau mondiale.[3]

Cela représente donc un impact colossal sur la biodiversité. Les 5 grandes causes de l’érosion présentées dans le chapitre précédent peuvent servir d’appui à l’analyse de l’impact. Il convient de se demander si telle activité ou tel produit alimente une ou plusieurs des causes : éviter toute consommation qui amène à une disparition d’habitats, une surexploitation ou un prélèvement non durable, une pollution, une émission de GES, et enfin un transport d’espèces.