L’entrepreneur individuel sans création de société
Contexte :
Selon l’INSEE, « l’entreprise individuelle est une entreprise en nom propre ou en nom personnel. L’identité de l’entreprise correspond à celle du dirigeant, qui est responsable sur ses biens propres. L’entrepreneur exerce son activité sans avoir créé de personne juridique distincte. ».
Cette définition est partiellement vraie, parce que l’entrepreneur individuel peut exercer son activité :
Soit sans création de structure juridique particulière ni de sociétés, comme l’indique INSEE,
Soit en créant une société unipersonnelle contrairement à ce que mentionne l’INSEE.
À l’issue de ce cours, vous saurez identifier l’entrepreneur individuel et cerner les différentes manières d’exercer une activité en tant qu’entrepreneur individuel ; vous distinguerez les implications civiles, fiscales et sociales. Vous connaîtrez les moyens de protection dont bénéficie l’entrepreneur individuel.
Entreprise individuelle
Fondamental :
Il s’agit de la forme la plus simplifiée de création et d’exercice d’une activité professionnelle :
En effet, il n’y a pas de création de sociétés. Donc il n’y a pas de statuts à rédiger, de statuts à déposer, pas d’AG à convoquer, etc.
Aucun capital minimum n’est exigé. Toutes les activités peuvent être exercées par le biais de l’entreprise individuelle, sauf lorsque le législateur impose une forme de société pour exercer.
En outre, les obligations comptables sont restreintes : seuls le livre journal, le grand livre et le livre d’inventaire doivent être tenus à jour.
De plus, il est possible d’opter pour le régime de la microentreprise.
Pour créer une entreprise individuelle, il faut remplir le formulaire P0 et le déposer au CFE.
Fondamental :
En contrepartie de ces avantages, le régime de l’entreprise individuelle présente de sérieux inconvénients : l’entrepreneur individuel est propriétaire de l’entreprise. Et en vertu du principe de l’unicité du patrimoine, tous les éléments de l’actif garantissent tous les éléments de passif, qu’ils soient professionnels ou personnels.
Régime fiscal et social de l’entreprise individuelle
Fondamental :
L’entrepreneur individuel est imposé sur ses revenus dans la catégorie des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC) pour les commerçants et artisans et des Bénéfices Non Commerciaux (BNC) pour les professions libérales.
Il n’y a aucune imposition au niveau de l’entreprise puisqu’il n’en existe pas.
L’entrepreneur individuel peut choisir entre trois régimes d’imposition en fonction du montant de son chiffre d’affaires :
Le régime de la microentreprise
Le régime réel simplifié et le régime réel normal
Depuis le 1er janvier 2018, la protection sociale de l’entrepreneur individuel, auparavant gérée par le Régime Social des Indépendants (RSI), dépend du régime général de la Sécurité sociale.
Régime de la microentreprise (ex-autoentrepreneur)
Fondamental :
Le régime de la microentreprise est un régime fiscal et social. Il ne s’agit pas de créer une société.
Il permet de bénéficier de formalités simplifiées pour la création de l’activité, pour les déclarations et le paiement des obligations fiscales et sociales.
Fondamental :
Pour bénéficier de ce régime, il faut respecter un montant maximum de chiffre d’affaires HT :
176 00 € maximum pour les entreprises dont l’activité principale est la vente de marchandises, d’objets, de fournitures de denrées à emporter ou à consommer sur place, ou la prestation d’hébergement (hôtels, chambres d’hôtes, gîtes ruraux, meublés de tourisme, etc.).
72 600 € maximum pour les prestations de service relevant des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC) et les professions libérales relevant des Bénéfices Non Commerciaux (BNC).
Complément :
Ce régime permet d’obtenir un abattement forfaitaire sur le chiffre d’affaires, à hauteur de :
71 % pour les activités d’achat-revente, fourniture de logement, vente à consommer sur place
50 % pour les prestations de service commerciales
34 % pour les prestations de service non commerciales (type activités libérales)
Complément :
Sous ce régime, il est possible d’opter pour le versement libératoire de l’impôt sur le revenu : c’est-à-dire que l’impôt sur le revenu est alors acquitté chaque mois ou chaque trimestre, en même temps que les cotisations et contributions sociales.
Le taux est de :
1 % pour les entreprises de vente ou de fourniture de logement
1,7 % pour les entreprises réalisant des prestations de services
2,2 % pour les titulaires de bénéfices non commerciaux
Pour bénéficier du versement libératoire, il ne faut pas que le revenu fiscal de référence de l’année N – 2 excède un certain seuil pour une part de quotient familial : ce montant est majoré de 50 % par demi-part ou de 25 % par quart de part supplémentaire.
Exemple :
Pour opter en 2020 pour le versement libératoire, le montant du revenu fiscal de référence de 2018 ne doit pas dépasser 27 519 € pour une personne seule (1 part de quotient familial).
Pour déterminer votre plafond du revenu fiscal de référence, il faut multiplier la limite (27 519 €) pour une part par le nombre de parts correspondant à la situation du foyer fiscal de l’entrepreneur, par exemple 27 519 x 2, soit 55 038 € pour un couple sans enfant (2 parts de quotient familial).
Complément :
De manière obligatoire, doivent être payées sur le montant du chiffre d’affaires déclarées les charges sociales :
12,8 % pour les entreprises de vente ou de fourniture de logement
22 % pour les prestations de service et les activités libérales
En l’absence de chiffre d’affaires, aucun paiement n’est à effectuer.
Complément :
En plus des cotisations sociales, les micro-entrepreneurs doivent payer la contribution à la formation professionnelle : le taux de cette taxe est de :
0,1 % du chiffre d’affaires pour les commerçants
0,2 % du chiffre d’affaires pour les professionnels libéraux et prestations de services
0,3 % du chiffre d’affaires pour les artisans
Complément :
Il est possible d’opter pour la franchise de TVA à condition de respecter les seuils ci-dessous :
Opérations concernées | Seuils 2020 - 2022 |
---|---|
Livraisons de biens, ventes à consommer sur place et prestations d’hébergement | 85 800 € |
Autres prestations de services | 34 400 € |
Ou de rester sous le seuil de tolérance :
Opérations concernées | Seuils 2020 - 2022 |
---|---|
Livraisons de biens, ventes à consommer sur place et prestations d’hébergement | 94 300 € |
Autres prestations de services | 36 500 € |
Suite à la loi PACTE en 2019, les micro-entrepreneurs sont dispensés : d’ouvrir un compte bancaire dédié à l’activité professionnelle (sous réserve que le CA ne dépasse pas 10 000 € sur 2 années civiles consécutives).
Régime Simplifié d’Imposition (RSI) et le Régime du réel Normal (RN)
Le Régime Simplifié d’Imposition (RSI) et le Régime du réel Normal (RN) sont des régimes réels d’imposition : cela signifie que l’entrepreneur est imposé en fonction du résultat dégagé au cours de l’exercice.
Complément :
Le régime réel simplifié s’applique aux entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre les montants suivants :
CAHT compris entre 170 000 € et 789 000 € pour les activités de commerce et de fourniture de logement
CAHT compris entre 70 000 € et 238 000 € pour les prestations de services relevant des BIC
Le régime réel simplifié permet aux entreprises de bénéficier d’allégements dans leurs obligations comptables et fiscales : le livre journal n’enregistre journellement que les recettes encaissées et les dépenses payées, les créances et les dettes sont constatées à la clôture de l’exercice et le bilan fourni à l’administration fiscale est un bilan simplifié.
En revanche, il n’existe aucune particularité concernant la TVA.
Complément :
Ces charges sociales se composent :
Des cotisations d’allocations familiales
Des cotisations maladie et maternité
Des cotisations vieillesse
De la CSG et de la CRDS
Les cotisations sociales représentent environ 45 % du revenu imposable. Les taux des cotisations varient selon le montant de la base de calcul et selon les activités.
Protection des biens immobiliers
La protection de l’entrepreneur individuel se fait par la déclaration d’insaisissabilité : par cette déclaration, l’entrepreneur peut protéger ses biens immobiliers, et les rendre insaisissables par ses créanciers professionnels.
La déclaration d’insaisissabilité peut désormais porter sur tout bien immobilier bâti et non bâti, dès lors qu’il n’est pas affecté à un usage professionnel.
Fondamental :
La résidence principale est insaisissable de droit : il n’y a plus besoin de faire une déclaration d’insaisissabilité.
Seul est ici concerné l’entrepreneur individuel, en tant que personne physique.
La déclaration d’insaisissabilité est ouverte à toutes les personnes physiques immatriculées à un registre de publicité légale à caractère professionnel (le registre du commerce et des sociétés ou le répertoire des métiers) et à celles exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante.
Seules les sociétés sont exclues du bénéfice de ce dispositif.
La déclaration d’insaisissabilité est établie par un notaire, publiée au Service de publicité foncière et mentionnée dans un registre de publicité légale à caractère professionnel (répertoire des métiers, greffe du tribunal de commerce, etc.) ou dans un journal d’annonces légales pour les personnes non tenues de s’immatriculer (comme les agriculteurs).
Fondamental :
Le ou les biens immobiliers deviennent insaisissables uniquement à l’égard des créanciers professionnels de l’entrepreneur et pour les dettes professionnelles nées après la publication de la déclaration.
Les créanciers personnels de l’entrepreneur ne sont pas concernés par la déclaration d’insaisissabilité.
Nouveau statut de l’entrepreneur individuel
Fondamental :
La loi du 15 juin 2010 a créé le statut de l’EIRL (Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée) qui permettait de séparer le patrimoine personnel du patrimoine professionnel, sans constituer une personne morale.
L’entrepreneur individuel réalisait une déclaration d’affectation publiée (au RCS pour les commerçants, au répertoire des métiers pour les artisans, au RSAC pour les agents commerciaux et à un registre spécial pour les autoentrepreneurs).
Par cette déclaration, l’entrepreneur affectait les biens nécessaires à son activité. En conséquence, les créanciers professionnels ne pouvaient saisir que les biens affectés à l’activité.
Fondamental :
Toutefois, la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante supprime à compter du 16 février 2022 le statut de l’EIRL et crée un nouveau statut : celui d’entrepreneur individuel (ci-après EI).
Ce nouveau statut de l’EI entre en vigueur à compter du 15 mai 2022.
Fondamental :
L’EI est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes (commerciale, artisanale, libérale ou agricole).
Dans le statut de l’EI, les biens, droits, obligations et sûretés dont est titulaire l’entrepreneur et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Les éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel qui ne sont pas compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel.
Il existe ainsi deux patrimoines : le droit de gage des créanciers professionnels se limite au patrimoine professionnel. Et à l’inverse, les créanciers personnels ne pourront saisir que les biens personnels.
Cette séparation entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel est automatique, de plein droit, sans aucune démarche. En effet, elle s’applique pour les créances nées :
À compter de l’immatriculation au registre dont relève l’entrepreneur individuel pour son activité (soit le RCS, RM).
Ou à compter de la date déclarée du début d’activité, si celle-ci est antérieure.
Ou à défaut d’obligation d’immatriculation, à compter du premier acte qu’il exerce en qualité d’entrepreneur individuel.
Fondamental :
La séparation entre le patrimoine professionnel et personnel connaît des exceptions :
Tout d’abord, l’EI peut renoncer au bénéfice de la séparation des patrimoines : notamment pour avoir accès à un crédit professionnel.
En cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales et sociales : l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale peuvent saisir l’ensemble de ses patrimoines professionnel et personnel de l’EI.
Le recouvrement de l’impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et de la taxe foncière afférente aux biens immeubles utiles à l’activité professionnelle peut être recherché sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel.
Et en cas de liquidation judiciaire : le tribunal peut condamner l’EI à payer tout ou partie de l’insuffisance sur son patrimoine personnel.
Fondamental :
L’EI bénéficie de l’insaisissabilité de droit de sa résidence principale et il peut déclarer insaisissables ses autres biens et droits immobiliers.
Toutefois, en cas de manœuvres frauduleuses (par exemple en cas d’absences ou de fausses déclarations répétées) ou d’inobservation grave et répétée aux obligations fiscales et sociales (par exemple en cas de non-paiement des charges sociales et fiscales), l’administration fiscale pourra saisir la résidence principale ou tout autre bien immobilier déclaré insaisissable de l’entrepreneur individuel.
En matière d’imposition, l’EI bénéficie de plusieurs options :
Il est imposé au titre de l’impôt sur le revenu dans la catégorie qui dépend de la nature de son activité (bénéfices industriels et commerciaux ; bénéfices non commerciaux ; bénéfices agricoles). Dans cette situation, l’EI est soumis au même régime fiscal et social que l’entreprise individuelle (cf. infra).
Il est imposé à l’impôt sur les sociétés.
L’EI est, d’un point de vue social, un travailleur non salarié.