Outils de veille sociale en interne

Contexte

La mise en place d'une veille sociale en entreprise ne s'improvise pas.

Elle s'organise avec l'implication de tous les acteurs en lien étroit avec les partenaires sociaux qu'ils soient salariés, managers ou dirigeants.

La Direction des Ressources Humaines (DRH) doit attacher une attention particulière à la mise en place et la collecte d'informations d'une veille sociale.

Elle doit ensuite analyser celles-ci et effectuer des actions correctives afin d'anticiper les tensions en entreprise et les conséquences hors de l'entreprise.

L'ensemble de ces étapes doit être cadré et structuré afin d'éviter une communication en ressources humaines anarchiques sur les sujets de veille sociale.

Cette veille doit être omniprésente et rester en activité permanente dans l'entreprise.

Transversalement, nous devrons également structurer, cadrer et industrialiser notre veille sociale pour qu'elle devienne l'affaire de tous et réponde aux besoins de l'entreprise dans une stratégie globale.

Toute cette démarche devient alors de notre responsabilité en tant que Responsable des Ressources Humaines (RRH).

Afin d'illustrer ce sujet, nous allons nous mettre dans la peau du Responsable RH de DiltaCall qui est une start-up créée il y a 4 ans de 150 personnes, fabriquant et commercialisant des téléphones portables. Le nombre de salariés a triplé en un an, l'esprit start-up est toujours là avec un effectif de jeunes techniciens et d'ingénieurs. Le climat social est positif, car DiltaCall se développe et les résultats dépassent tous les objectifs.

Comment allons-nous mettre en place une veille sociale chez DiltaCall ? Comment allons-nous collecter, analyser et tirer profit de cette veille sociale ?

C'est ce que nous allons découvrir en assistant notre directeur général.

Indicateurs du climat social en entreprise

En premier lieu, les indicateurs de climat social ont une grande importance.

DéfinitionQu'est-ce qu'un indicateur du climat social ?

Il s'agit de données chiffrées sur l'évolution des congés -payés ou non-, des départs des salariés, des accidents de travail, de la productivité et de la qualité (en rapport avec l'intervention humaine) qui permettent de mettre en évidence des dysfonctionnements.

Ces résultats permettent de vérifier le climat social et peuvent refléter des tensions, conflits le défavorisant.

Ces données se retrouvent sous forme de tableaux de bord sociaux, qui sont des outils de pilotage indispensables en gestion des ressources humaines.

L'exploitation de ces tableaux ainsi que leur analyse mettent à jour tous les facteurs sur lesquels nous devrons agir.

Nous travaillerons sur des statistiques, des taux et des ratios.

En effet, si les ratios sont élevés ou faibles alors nous devons nous questionner sur des réajustements

Taux d'absentéisme : suivi des congés des salariés

Le ratio le plus important est celui des absences de l'entreprise pour cause de maladie, d'accident du travail, de parentalité ou personnelles (congé sabbatique).

Les tableaux de bord regroupent les données de congés sous la notion d'absentéisme.

ExempleTableau de bord social

Si ce taux est élevé, nous pouvons nous questionner sur la population et les services concernés, le type d'absence et révéler des dysfonctionnements managériaux ou des mesures de sécurité à mettre en place.

ExempleÉvolution de l'absentéisme chez DiltaCall

Le ratio d'absentéisme chez Diltacall est de 6 % pour ce mois de janvier. Nous constatons qu'il a doublé depuis le mois de décembre - il était de 3 %. En analysant par type de congés, nous voyons qu'il y a eu plus d'accidents du travail et plus de congés maladie.

Si nous le pouvons, il faut analyser encore plus finement pour connaître les raisons des accidents du travail et des congés maladie.

Ainsi, nous avons détecté :

3 accidents du travail : 2 au service logistique, 1 au service commercial.

7 congés maladie : 3 congés de longue durée au service comptabilité, 4 congés maladie courte durée (48 heures) dans le reste de l'entreprise.

Notre analyse nous permet de tirer les conclusions suivantes :

  1. Anomalie au service logistique concernant les accidents du travail,

  2. Anomalie au service comptabilité concernant les congés maladie longue durée.

Taux de turnover : Suivi des entrants/sortants

Il s'agit du ratio du nombre d'entrants et du nombre de sortants à ramener au nombre de salariés dans l'entreprise.

Pour calculer le turnover d'une structure donnée, il faut :

  • Sélectionner une période de référence, l'année civile, par exemple ou l'exercice,

  • Connaître le nombre de salariés présents dans l'entreprise en début de période,

  • Additionner les nombres de départs et d'arrivées,

  • Diviser cette somme / 2 puis le diviser par le nombre de salariés puis x 100 pour obtenir un pourcentage.

ExempleCalcul

Nombre de salariés : 748

Nombre départs : 14

Nombres arrivés : 10

Donc = ( [ (14 + 10) / 2 ] / 748) * 100 = 1,60 %

ExempleTableau de suivi Turnover en entreprise

ENTRÉES

JANVIER

FÉVRIER

MARS

AVRIL

MAI

JUIN

CDI

2

CDI en congés sabbatique ou parental

1

1

CDD

1

APPRENTIS

1

PROFESSIONNALISATION

STAGIAIRES

 

 

 

SORTIES

CDI

1

1

CDI en congés sabbatique ou parental

1

CDD

1

APPRENTIS

1

PROFESSIONNALISATION

1

STAGIAIRES

1

1

 

EFFECTIF COGNOS / Group HR Reporting

107

106

105

105

104

104

TURNOVER (sur départs)

JANVIER

FÉVRIER

MARS

AVRIL

MAI

JUIN

DÉPARTS M / Effectif M-1

0

0

0

1

1

0

DÉPARTS M / Effectif M-1

0,0 %

0,0 %

0,0 %

1,0 %

1,0 %

0,0 %

Cumul départs / Effectif 01/14

0,0 %

0,0 %

0,0 %

1,0 %

2,1 %

2,1 %

Si ce dernier est élevé, nous devrons nous pencher sur les problèmes de recrutement, d'intégration ou de management.

Suivi de l'évolution de la productivité et de la qualité avec intervention humaine

Il s'agit de suivre le taux de productivité des salariés sur des critères définis ainsi que la qualité de leur intervention sur des objectifs définis.

Si ce taux n'est pas bon, nous pouvons présager qu'il s'agit soit d'un problème de management, soit d'une d'une mauvaise adéquation entre l'homme et l'outil.

ExempleÉvolution productivité et qualité chez DiltaCall

Le taux de productivité au Service Client (traitement des appels entrants) chez Diltacall est de 80 % pour ce mois de janvier. Nous constatons qu'il a diminué depuis le mois de décembre - il était de 85 %.

Le taux de qualité est de 95 % pour ce mois de janvier alors qu'il était de 90 % en décembre.

Ainsi, notre veille sociale nous a permis de constater que même si la productivité a baissé ce mois de janvier, celui de la qualité a augmenté !

Si nous constatons ainsi que ces indicateurs sont mauvais, nous pouvons déduire qu'il y a dysfonctionnement. Celui-ci n'est pas toujours facile à interpréter et pas toujours en relation avec le climat social, mais peut-être dû à d'autres facteurs exogènes soit par exemple, une canicule ou l'approche des vacances.

Cependant, ils peuvent révéler une diminution de la confiance ou l'existence de réels conflits. Notre rôle en tant que Responsable des Ressources Humaines (RRH) est d'en trouver l'origine.

Retours par les réseaux de veille sociale

Heureusement en interne, nous avons notre propre réseau de veille sociale. Il s'agit de la communication formelle et informelle de l'entreprise, regroupant l'ensemble de l'information évoluant dans l'entreprise.

Pas seulement, l'espace détente de la machine à café !

Mais surtout les informations de la part des Instances Représentatives du Personnel (IRP), de la direction des ressources humaines et aussi de la part des responsables opérationnels.

Il faut donc qu'il y ait au moins un réseau de veille sociale interne « pour prendre le pouls » du dialogue social.

Réseau par le Comité Social et Économique (CSE)

Celui-ci ayant regroupé les missions des délégués du personnel, du CHST et du CE, il doit lors des réunions faire part des réclamations du personnel. Ces réclamations ne sont hélas pas toujours faites ou imparfaitement, quelque fois orientées à titre personnel, etc. Quoi qu'il en soit, il faut en prendre compte pour montrer la bonne volonté de la part de la Direction de maintenir ce dialogue.

Réseau de la direction des ressources humaines

Il s'agit de notre réseau ! En effet, en tant que responsable des ressources humaines, nous sommes en contact direct avec l'ensemble des salariés. Nous devons faire en sorte que les informations parviennent jusqu'à nous, et soient remontées à la Direction.

En tant que RRH, nous devons ainsi tenter de cultiver une culture commune de la veille sociale en informant de son importance aussi bien chez les salariés, mais également chez les membres de la Direction

Réseau des responsables opérationnels

Les responsables opérationnels sont les managers, mais également certains agents de maîtrise ou des directeurs d'établissement. Ils vivent le quotidien de leur équipe, et ont souvent des éléments de jugement pertinents en cas de conflit.

Notre rôle en tant que RRH est de les sensibiliser à des remontées d'informations fréquentes pour alimenter notre veille sociale.

Enquêtes d'opinion et le baromètre social

Nous pouvons également faire des enquêtes d'opinion par sondage le plus anonymement possible quand on peut le faire, pour collecter des informations globales sur les salariés : leurs ressentis sur les décisions de l'entreprise, mais aussi leur motivation, leur engagement, leurs propres valeurs, etc.

Ces enquêtes permettent d'avoir des informations sur la perception qu'ont les salariés de leurs conditions d'emploi, des méthodes de management, de leur degré de confiance en l'avenir ou du rôle du CSE.

Elles peuvent être faites à intervalles réguliers (une fois/ mois) pour évaluer l'évolution du climat social.

Nous avons ainsi une vision globale de la satisfaction de nos salariés, notre baromètre social.

Cette veille nous permet de faire agir et exprimer tous les acteurs de l'entreprise.

ExempleSondage et retour

Analyse du jeu des acteurs et politique de réajustement

L'ensemble de cette veille nous permet d'avoir à notre disposition un ensemble d'informations et d'améliorer le climat social.

Souvent, nous rencontrons deux raisons principales pour lesquelles les salariés sont réticents à répondre à des enquêtes :

  1. L'absence de confiance des salariés envers les managers,

  2. La peur de s'exprimer différemment par rapport à la direction et se retrouver « saqué ».

De plus, il est bien sûr beaucoup plus facile de s'exprimer derrière un sondage ou une enquête qu'auprès de son supérieur hiérarchique !

De même, comme cela l'a déjà été évoqué, nous pouvons nous retrouver bloqués devant de la mauvaise foi, de la rétention d'information, etc., certains pensent que le secret entretient le pouvoir.

Les politiques de réajustement consistent :

  1. À sensibiliser l'ensemble des acteurs à la veille sociale et ses retombées positives,

  2. À désamorcer de façon rapide et pragmatique les situations larvées de conflit.

Grâce à notre position de Responsable de Ressources Humaines, nous pouvons exercer un certain pouvoir de direction qui permet une régulation du dialogue et la sanction grâce à la loi s'il le faut.

Pour ce faire, il est indispensable de créer :

  • Des espaces de dialogues comme des petits déjeuners réguliers ou autre événement convivial qui permettent un échange informel entre la direction des ressources humaines et les salariés.

  • Des comités de pilotage, de suivi ou d'échange d'information avec tous les acteurs pour suivre les réajustements.