Entretien professionnel : ses finalités et sa place parmi les outils RH

Contexte

Instaurés par l'accord national interprofessionnel (ANI) du 5 décembre 2003, puis remis au goût du jour en 2014, les entretiens professionnels ont commencé à produire tous leurs effets en 2020. En effet, c'est en 2020 qu'ont eu lieu les premiers entretiens dits « bilans », au cours desquels l'employeur a dû faire le point avec chacun de ses salariés sur son parcours professionnel et sur les formations suivies au cours des années écoulées.

Il est donc important de bien maîtriser les enjeux de cet outil de management, conçu pour accompagner et favoriser l'employabilité des salariés, pour réaffirmer la responsabilité des entreprises en la matière, tout en permettant le plus possible aux salariés d'être acteurs de leurs propres choix d'évolution professionnelle.

Finalités de l'entretien professionnel

Fondamental

L'entretien professionnel doit être consacré aux perspectives d'évolution professionnelle du salarié, notamment en matière de qualifications et d'emploi. À cet effet, l'employeur doit informer ses salariés, en amont ou à l'occasion de cet entretien, de la possibilité de recourir à des services de conseil en évolution professionnelle (CEP) gratuits. Ces services sont dispensés par des opérateurs du CEP qui pourront à des fins de préparation de l'entretien l'aider à faire le point sur sa situation et ses compétences professionnelles ou encore l'accompagner dans ses projets professionnels.

Il permet d'entretenir la motivation de chaque salarié, d'identifier ses besoins d'accompagnement et/ou de formation et de l'impliquer dans la construction et la gestion de son parcours. Il prépare le salarié à être acteur de son évolution professionnelle.

Il doit dorénavant comporter des informations quant à l'activation du compte personnel de formation (CPF) et les possibilités d'abondement que l'employeur est susceptible de financer.

Les points obligatoirement abordés au cours de l'entretien professionnel concernent :

  • L'évolution professionnelle du salarié, notamment en matière de qualification et d'emploi,

  • Les questions relatives au suivi des actions de formation, de certification et de progression salariale ou professionnelle du salarié,

  • L'évaluation de son employabilité,

  • La réflexion sur l'avenir du salarié, le poste occupé et son projet professionnel

FondamentalSalariés concernés

La loi vise tous les salariés qui ont deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, quel que soit leur contrat de travail. En sont exclus les salariés mis à disposition des entreprises d'accueil, les salariés intervenant dans le cadre d'une sous-traitance et les intérimaires.

L'employeur est tenu d'organiser un entretien professionnel pour les salariés réintégrant pleinement leur entreprise après :

  • Un congé maternité,

  • Un congé parental d'éducation,

  • Un congé de proche aidant,

  • Une période de mobilité volontaire sécurisée dans les entreprises d'au moins 300 salariés,

  • Un congé d'adoption,

  • Un congé sabbatique,

  • Une période d'activité à temps partiel après un congé de maternité ou d'adoption,

  • Un arrêt de travail pour longue maladie,

  • Un mandat syndical.

FondamentalUne obligation de bilan

Tous les 6 ans, l'entretien professionnel doit prendre la forme d'un entretien « bilan », qui est l'occasion de réaliser un « état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié » (article L. 6315-1 du Code du travail).

  • Pour les salariés embauchés avant le 5 mars 2014, les entreprises doivent donc avoir effectué cet entretien bilan avant le 5 mars 2020, soit 6 ans après l'entrée en vigueur de la loi.

  • Pour les salariés recrutés en 2014, le premier entretien bilan doit avoir lieu en principe cette année avant la date anniversaire de leur entrée dans l'entreprise.

  • Pour les salariés recrutés en 2015, le premier entretien bilan doit avoir lieu en 2021, et ainsi de suite.

L'obligation d'organiser ces entretiens s'impose à toutes les entreprises : en cas de litige du travail, par exemple, l'employeur qui ne peut pas justifier de leur tenue est en faute. Mais dans les entreprises de 50 salariés et plus, il s'ajoute un risque de sanction, qui prend la forme d'un abondement de 3 000 € au compte personnel de formation (CPF) de chaque salarié concerné. Ce sont les critères de déclenchement de ces sanctions qui ont été modifiés par la loi « Avenir professionnel ».

Au cours de cet entretien des 6 ans, qui donne lieu à un compte rendu écrit (tout comme les autres entretiens professionnels), l'employeur doit pouvoir justifier :

  • Avoir bien organisé les entretiens professionnels au minimum tous les deux ans,

  • Avoir permis au salarié de bénéficier de certaines actions.

C'est la définition de ces actions qui a changé avec la loi Avenir Professionnel.

  • Avant la réforme de 2018 : le salarié devait avoir bénéficié d'au moins deux types d'action parmi les trois catégories suivantes :

    • Une action formation,

    • Une certification professionnelle ou une VAE (validation des acquis de l'expérience),

    • Une augmentation ou une promotion.

  • Après la réforme de 2018 : le salarié doit avoir bénéficié d'au moins une action de formation non obligatoire. La réforme de 2018, en effet, a inscrit dans la loi une définition des formations obligatoires : il s'agit de « toute action de formation qui conditionne l'exercice d'une activité ou d'une fonction, en application d'une convention internationale ou de dispositions légales et réglementaires » (article L. 6321-2 du Code du travail).

    Du fait de ce changement rétroactif, des entreprises d'au moins 50 salariés pourraient en théorie se voir pénalisées alors qu'elles ont bien respecté les règles telles qu'elles existaient entre 2014 et 2018. En effet, dans l'ancien système, on pouvait être en conformité sans avoir nécessairement payé une formation à son salarié, ou en ne lui ayant financé qu'une formation obligatoire. Ce n'est plus le cas dans le nouveau.

L'ordonnance « Coquilles » vient donc corriger en partie ce problème : en 2020, il était possible de continuer à appliquer les anciennes règles : c'est le « droit d'option ». Dès 2021, en revanche, seules les nouvelles règles ont cours !

Différences avec les entretiens d'évaluation

Choix de l'employeur ou obligation pour l'employeur ?

L'employeur a la faculté de mettre en place ou non un dispositif d'évaluation des collaborateurs, lequel relève de son pouvoir de direction. Dès lors que l'employeur décide de mettre en place un outil d'évaluation des salariés :

  • L'employeur est tenu d'organiser l'entretien d'évaluation de tous les collaborateurs et ne peut en exclure un au motif de son statut protégé (les collaborateurs élus par leurs pairs pour les représenter bénéficient d'une protection particulière liée à leur mandat).

  • Il s'impose aux collaborateurs qui ne peuvent s'y soustraire sous peine de sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.

En revanche, la mise en œuvre de l'entretien professionnel s'impose à l'employeur. En d'autres termes, il doit proposer à l'ensemble des collaborateurs, qu'ils soient en CDD ou en CDI, un entretien au cours duquel les parties échangent quant aux perspectives d'évolutions professionnelles. En outre, conformément à l'article L.6315-1 du Code du travail, l'entretien doit donner lieu à la rédaction d'un document écrit dont les deux parties conservent une copie.

L'employeur qui s'exonère de son obligation de tenue dudit entretien :

  • Peut être condamné à payer, au collaborateur qui a saisi les juridictions compétentes (Conseil des Prud'hommes en première instance et Cour d'appel en seconde instance), des dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail.

  • Doit verser l'abondement sanction sur le compte personnel de formation (CPF) de chaque collaborateur concerné par le manquement. Le montant dudit abondement s'élève à 3 000 €.

FondamentalPlace des IRP dans les deux processus

Préalablement au déploiement de la campagne des entretiens annuels d'évaluation, l'employeur doit informer et consulter le conseil social et économique (CSE) quant au principe d'évaluation des collaborateurs : conformément aux articles L.2312-8, L.2312-37 et L.2312-38 du Code du travail, il faut informer et consulter ses membres quant au dispositif que l'employeur projette de mettre en place (modalités d'évaluation des collaborateurs, personnes en charge de l'entretien, etc.) ou en cas de projet d'évolution importante du dispositif préexistant. Ces derniers rendent un avis favorable ou défavorable ou ne rendent pas d'avis (ce qui équivaut à un avis défavorable) auquel l'employeur n'est pas tenu.

À défaut d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, l'entreprise s'expose au risque de se voir interdire la mise en œuvre du dispositif d'évaluation si les représentants saisissent le juge des référés et qu'il leur donne raison (cf. la jurisprudence et notamment l'arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 2007, n° 0621964).

Concernant l'entretien professionnel, l'employeur ne doit pas informer/consulter les institutions représentatives du personnel quant à sa mise en place. En revanche, conformément à l'article L.2312-31 du Code du travail, l'employeur doit renseigner, dans la base de données économiques et sociales (BDES) :

  • Les « informations relatives à l'évolution professionnelle »,

  • Les « informations sur la mise en œuvre des entretiens professionnels et de l'état des lieux récapitulatifs ».

Les informations susmentionnées doivent notamment être transmises dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi et de la consultation relative au plan de développement des compétences.

FondamentalInformation des collaborateurs quant aux dispositifs

L'employeur doit informer et communiquer sur la mise en place des entretiens d'évaluation et expliquer les obligations des collaborateurs :

  • Les collaborateurs ne peuvent se soustraire à l'entretien sous peine de sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

  • Les collaborateurs ne peuvent se présenter accompagnés à l'entretien d'évaluation. En effet, il ne s'agit pas d'un entretien préalable à une éventuelle sanction, hypothèse dans laquelle les collaborateurs peuvent se faire assister par un salarié de l'entreprise (s'il y a des représentants du personnel au sein de cette dernière ou par un conseiller du salarié au sein des autres entreprises).

  • L'entretien, qu'il soit signé ou pas par le collaborateur, est valide.

L'employeur doit également informer les collaborateurs nouvellement embauchés qu'ils bénéficieront d'entretiens professionnels. Pour satisfaire à cette obligation, il peut être pertinent d'insérer une clause informative au sein du contrat de travail. Ainsi, l'employeur peut prouver que l'information individuelle a bien été réalisée.

FondamentalPériodicité

La fréquence annuelle des entretiens d'évaluation n'est plus la règle. En effet, pour correspondre aux « cycles business », certaines entreprises ont opté pour des entretiens d'évaluation trimestriels ou semestriels en fonction des projets suivis. Par ailleurs, ces entretiens plus « light » et plus rapprochés correspondent à une demande forte des collaborateurs de bénéficier de feedbacks réguliers sur leur travail.

En revanche, l'entretien professionnel est biennal. Toutefois, cette fréquence peut être revue à la baisse dans la mesure où il doit être systématiquement proposé aux collaborateurs ayant eu une absence de longue durée, notamment à l'issue d'un congé maternité, d'un congé parental d'éducation, d'un congé d'adoption, d'un arrêt longue maladie ou au terme d'un mandat syndical.

Complémentarités avec les entretiens d'évaluation

Bien qu'étant controversé au point d'être abandonné dans certaines entreprises, l'entretien d'évaluation permet de :

  • Suivre la performance des collaborateurs.

    Manager et collaborateur réalisent un bilan de l'année écoulée en reprenant d'une part les objectifs fixés en début d'année, et d'autre part, les résultats obtenus. En outre, manager et collaborateur échangent sur les objectifs de la période à venir. En effet, le manager, au vu des objectifs qui lui ont été fixés, doit à son tour fixer les objectifs de ses collaborateurs.

  • Suivre le développement des compétences des collaborateurs.

    Il est important d'échanger avec le collaborateur quant aux compétences qu'il souhaite acquérir et/ou développer.

  • Suivre le niveau d'engagement des collaborateurs.

    Le manager demande au collaborateur son ressenti quant à ses conditions de travail (exemple : a-t-il les outils pour réaliser au mieux son travail ?), quant à son équilibre entre vie professionnelle et vie privée, quant à son intégration au sein de l'équipe, de l'entreprise. Le manager doit être dans l'écoute active pour améliorer « l'expérience collaborateur » afin de le fidéliser.

En revanche, l'entretien professionnel a été conçu pour donner la parole au collaborateur pour réaliser le bilan de sa situation professionnelle : « étude de ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en matière de qualification et d'emploi ». En d'autres termes, il permet de :

  • Faire un bilan sur les compétences acquises. Quelles sont les compétences qui ont été acquises au cours des deux dernières années ?

  • Exprimer ses souhaits en matière de développement des compétences et de formations. L'échange n'a pas pour objet l'évolution salariale. En revanche, cet entretien est un moment privilégié pour réfléchir aux moyens d'accompagner le collaborateur dans son développement des compétences. Puis, à plus ou moins court terme, il faut envisager l'évolution de ses responsabilités en interne comme en externe.

En outre, l'entretien professionnel est un temps d'information des collaborateurs relatif aux dispositifs de formation :

  • Qu'est-ce que la validation des acquis de l'expérience (VAE) ?

  • Comment puis-je activer mon compte personnel de formation (CPF) ? Quel type de formation puis-je financer avec ce financement ? Quels sont les éventuels abondements que l'employeur est susceptible de financer ?

  • Qu'est-ce que le conseiller en évolution professionnel (CEP) ?

FondamentalEn synthèse !

Entretien d'évaluation

Entretien professionnel

Enjeu

Directement lié à l'activité et axé sur la performance court terme.

Lié au développement des compétences et au projet professionnel de chaque collaborateur à moyen et long termes.

Obligatoire ou facultatif ?

Facultatif

Obligatoire

Rôle des IRP

Informer et consulter préalablement les instances

représentatives du personnel sur le projet de mise en place d'un dispositif d'évaluation des collaborateurs.

Pas d'information/consultation des institutions représentatives du personnel quant à sa mise en place.

Renseigner la BDES :

  • « Informations relatives à l'évolution professionnelle »,

  • « Informations sur la mise en œuvre des entretiens professionnels et de l'état des lieux récapitulatifs ».

Information des collaborateurs

Informer et communiquer sur leur mise en place et expliquer les obligations des collaborateurs :

  • Ne peuvent se soustraire à l'entretien sous peine de sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

  • Ne peuvent se présenter accompagnés à l'entretien annuel d'évaluation.

  • L'entretien signé ou non par le collaborateur est valide.

Informer les collaborateurs nouvellement embauchés qu'ils bénéficieront d'entretiens professionnels.

(ex. : insérer une clause informative au sein du contrat de travail.)

Fréquence et périodicité

En fonction des cycles business (tous les ans, ou tous les semestres, tous les trimestres, tous les mois, ou en fin de projet/de mission).

Tous les 2 ans.

Moins de deux ans en cas d'absences de longue durée congé maternité, parental d'éducation, etc.).

État des lieux récapitulatif tous les 6 ans.

Finalités

  • Suivre la performance des collaborateurs.

  • Suivre la maîtrise et le développement des compétences des collaborateurs à court terme.

  • Suivre le niveau d'engagement des collaborateurs.

  • Faire un bilan sur les compétences acquises.

  • Exprimer ses souhaits en matière de développement des compétences et de formations à moyen et long terme

  • Un temps d'information des collaborateurs relatif aux dispositifs de formation.

Attention

En conclusion, ces deux entretiens se complètent donc fortement. Notez qu'ils sont, dans de nombreuses entreprises, menés à la suite l'un de l'autre, dès l'instant que le sujet des deux entretiens est bien identifié.