Limites du droit de propriété
Le droit de propriété n’est pas absolu : le propriétaire ne peut exercer son droit de propriété comme il le souhaite et ce droit est limité physiquement.
Limites dans l’exercice du droit de propriété
Le juge restreint le droit de propriété essentiellement par deux théories juridiques : l’abus de droit et les troubles anormaux de voisinage.
La théorie de l’abus de droit
La théorie de l’abus de l’abus de droit a été créé suite à la décision de la Chambre des requêtes en date du 3 août 1915 :
Texte légal :
La Cour a dû apprécier la validité de construction de pics en fer de plusieurs dizaines de mètres de haut dans l’unique but de nuire à un voisin constructeur de dirigeables.
La Cour a considéré que « L’installation sur un terrain d’un dispositif ne présentant pour son propriétaire aucune utilité et n’ayant d’autre but que de nuire à autrui constitue un abus du droit de propriété ».
Définition :
L’usage du droit de propriété est qualifié d’abusif lorsque le propriétaire exerce son droit de propriété dans le but de nuire à autrui :
La preuve de l’intention est difficile à rapporter. En conséquence, l’intention de nuire est présumée dès lors que l’usage du droit de propriété est dépourvue d’utilité pour son auteur.
Lorsque cet abus est reconnu, le propriétaire doit cesser les troubles et verser des dommages-et-intérêts en cas de préjudice.
La théorie des troubles anormaux de voisinage
Sur le fondement de cette théorie, un propriétaire peut voir sa responsabilité engagée en l’absence de toute faute de sa part.
La responsabilité peut être engagée sur le principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage ».
Il suffit que le trouble reproché soit grave et continue pour que son auteur soit tenu de la réparer.
Définition :
Le trouble est une nuisance, quelle que soit sa nature.
L’auteur du trouble peut s’exonérer de responsabilité en invoquant deux excuses :
Il peut invoquer l’existence d’un fait d’un tiers qui revêt les caractères de la force majeure : c’est-à-dire extérieur, irrésistible et imprévisible. Mais les juges l’admettent difficilement (exemple : la présence de squatteurs dans un immeuble, suite à l’inexécution d’une mesure d’expulsion ne constitue pas un cas de force majeure).
Il peut invoquer l’occupation des lieux antérieure à celle de la victime : l’article L 112-16 Code de la Construction et de l’Habitation énonce « Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ».
Sont donc rejetées : l’absence de faute, l’absence d’intention de nuire, l’obtention d’une autorisation administrative.
Exemple :
L’obtention d’un permis de construire pour créer des cheminées, si elles cachent la vue du voisin n’interdit pas d’engager la responsabilité du constructeur pour troubles anormaux du voisinage.
Cette théorie vise les « rapports de voisinage » entendue de manière large : c’est-à-dire un rapport de proximité et non de contiguïté entre l’auteur et la victime des troubles anormaux.
Donc cela vise, les rapports entre propriétaires voisins, entre copropriétaires, entre un propriétaire et un locataire, entre locataires mais aussi les rapports entre un exploitant d’un aéroport et les proches habitants.
Les tribunaux apprécient souverainement, dans chaque cas d’espèce, si ce trouble est excessif :
Par la Cour de Cassation a retenu la responsabilité d’un architecte, entrepreneur suite à un chantier à condition qu’ils aient participé matériellement au chantier et que les troubles aient un lien direct avec la réalisation de leurs mission (civ, 3ème 9 fév. 2011).
Limites physiques du droit de propriété
Définition : Le bornage
Le bornage est la détermination de la ligne séparative de deux fonds par des signes matériels.
Texte légal :
Aux termes de l’article 646 du Code Civil : « tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs ».
Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage à la double condition que les fonds soient contigus et qu’ils ne soient pas séparés par des frontières naturelles (rivière...).
Le bornage n’est pas obligatoire. Mais si un propriétaire le demande, il devient obligatoire pour son voisin. C’est pourquoi le bornage se fait à frais communs.
Le bornage ne s’applique pas entre copropriétaires.
Complément :
Le bornage peut être amiable ou judiciaire :
Le bornage amiable : suppose l’accord des propriétaires qui recourent à des géomètres experts. Le bornage amiable est constaté par un PV d’abornement.
Le bornage judiciaire : lorsque l’un des voisins s’oppose au bornage. La délimitation revient au juge qui aura recours là aussi au géomètre expert.
Les effets du bornage (amiable ou judiciaire) :
Le bornage est déclaratif : il n’est pas un acte de propriété. Il se contente de fixer les limites de la propriété.
Le bornage est définitif : c’est-à-dire que dès lors qu’un bornage a été effectué, toute nouvelle demande de bornage est impossible.
Le bornage n’établit pas la preuve de la propriété : il n’empêche pas un voisin d’intenter une action en revendication.
Définition : La clôture
La clôture permet la délimitation de la propriété immobilière. La clôture est à la fois un droit et une obligation.
Selon l’art 647 du Code Civil, tout propriétaire peut clore son héritage. Mais la clôture connaît au moins deux limites :
1ère limite : une servitude peut empêcher le droit de se clore (par exemple, une servitude de passage ou une servitude d’écoulement des eaux, servitude de vue ou de non aedificandi...) ;
2nde limite : le droit de se clore ne doit pas être utilisé uniquement dans le but de nuire à autrui ou ne doit pas constituer un trouble de voisinage. À défaut, le juge imposera la destruction de la clôture.
Le droit de se clore n’est pas d’ordre public : donc des clauses contraires, notamment dans les règlements de copropriété, peuvent faire obstacle au droit de se clore.
En zone urbaine, la clôture est une obligation (art. 663 c. civ.).
Les frais engendrés par la clôture incombent au propriétaire actuel.
Il est possible qu’une clôture soit édifiée à frais communs. Elle sera alors mitoyenne.