Design Thinking

Contexte

Si en arrivant au travail, votre manager vous demande d'organiser un « workshop créatif », vous ne pourrez pas vous contenter de lancer quelques invitations pour un rapide brainstorming entre midi et deux heures. Un atelier de créativité, pour être efficace, ça se prépare et s'organise.

Dans ce cours, nous verrons comment la démarche Design Thinking pourra être exploitée pour concevoir la trame d'un workshop créatif. En se concentrant sur les besoins et en utilisant l'intelligence collective, elle vous guidera jusqu'à la réalisation d'un prototype riche d'enseignements.

Ces bases méthodologiques étant posées, nous aborderons l'organisation d'un atelier en tant que telle, de la préparation de la séance à son déroulement concret. Nous aborderons les rôles utiles à définir parmi les participants, nous verrons pourquoi le rythme et l'alternance des activités sont importants et enfin comment capitaliser sur le workshop en établissant un plan d'action.

Démarche Design Thinking

Quand on parle d'atelier de créativité, on pense naturellement au Design Thinking, une démarche d'innovation et de créativité qui s'est largement répandue ces dernières années. Développée initialement dans les années 90 par IDEO, une agence de design américaine, l'approche s'inspire des méthodes des designers (la pensée créative) pour résoudre des problématiques de toutes natures, bien au-delà du design.

Fondamentalement, une équipe travaillant en Design Thinking est multidisciplinaire, devra tenir compte des impératifs de faisabilité technique et de viabilité financière et placera l'utilisateur au centre de ses réflexions. L'humain, ses attentes et comportements, sont au cœur des préoccupations du Design Thinking, dans le but de proposer les meilleures réponses en limitant les difficultés rencontrées par les utilisateurs tout en veillant à satisfaire leurs attentes et besoins.

L'approche repose sur 3 concepts fondamentaux :

  • L'humain, en pilier central, au cœur de toutes les réflexions,

  • L'intelligence de groupe, en faisant le pari de la mutualisation des expériences,

  • L'expérimentation, pour vérifier ses partis-pris.

Une approche centrée utilisateur

« Centré utilisateur » n'est pas ici une vaine expression. Ce concept implique pour une équipe en Design Thinking de faire preuve de suffisamment d'empathie pour bien comprendre et intégrer les attentes des utilisateurs. Souvent, cela se traduit par une phase d'immersion durant laquelle on va observer les comportements actuels, idéalement sans les modifier par des enquêtes trop directes ou trop orientées. La connaissance factuelle des utilisateurs, sans apriori, est fondamentale. On doit connaître le plus parfaitement possible leurs attentes et les freins qu'ils rencontrent.

Le groupe pour mobiliser l'intelligence collective

Dans les organisations traditionnelles, les expertises et les métiers sont répartis en silos habituellement bien séparés. Les rencontres se font seulement lors de réunions formelles, et les projets sont généralement menés sous forme de passage de relais. En Design Thinking, l'équipe de travail sera nécessairement multidisciplinaire. C'est l'association des expertises, mobilisées ensemble dans une organisation horizontale, qui fera émerger l'intelligence collective. Elle permet d'entretenir une saine naïveté dans les questionnements et d'aborder les différentes facettes d'une même proposition.

Tester pour savoir : l'expérimentation

En Design Thinking, on ne se contente pas de designer. On teste systématiquement ses propositions de manière à vérifier, dans une véritable logique de « test & learn », la pertinence des idées. Le prototypage devient donc un outil incontournable de la démarche. En testant au travers d'un prototype, on gagne du temps, on économise l'argent nécessaire à une vraie réalisation et on augmente la valeur apportée par le produit à ses utilisateurs. D'itération en itération, le produit s'améliore jusqu'à obtention d'une solution satisfaisante.

Exemple

Le Design Thinking ne s'applique pas uniquement à l'univers du digital. GE Healthcare l'a expérimenté en partant d'une problématique simple : « Comment faire en sorte que les enfants ne paniquent pas lorsqu'ils doivent passer un examen IRM ». Si l'examen est complètement indolore, son fonctionnement et les bruits émis par l'appareil effrayaient les enfants.

Plusieurs idées ont émergé des ateliers, sollicitant des patients et des professionnels de santé. On a notamment proposé aux enfants non plus de passer un examen, mais de participer à une aventure dont il est le héros. En reproduisant une fusée dans la salle d'examen, le son émis par l'appareil n'est plus problématique. En transformant les appareils en bateaux de pirates, l'examen devient un jeu.

Le prototype a été réalisé en utilisant uniquement des autocollants sur une machine en fonctionnement. Les tests témoignant du succès de l'idée, GE Healthcare développera et commercialisera une série de matériels baptisée « Adventure Series ».

Cinq étapes pour une méthode

Le Design Thinking a largement recours à la facilitation visuelle et au management visuel. On voit ce qu'on fait, on matérialise les idées, on visualise la progression. Tout au long de la démarche, on alterne des phases de divergences, propices à la génération d'idées, et de convergence, utiles pour se recentrer sur des solutions concrètes et applicables.

Plusieurs variantes d'application de l'approche Design Thinking ont vu le jour, et parmi elles le Design Sprint. Néanmoins, au-delà de ces déclinaisons, une approche Design Thinking se déroule autour de 5 étapes majeures :

  • L'immersion,

  • L'idéation,

  • Le prototypage,

  • Les tests,

  • L'itération.

Immersion

L'immersion rassemble deux étapes. La première est la phase d'empathie, qui permet de se séparer de ses idées reçues et de ses préjugés. On compilera des études, des statistiques et l'observation des utilisateurs ou des clients en situation. Pour pouvoir les satisfaire, il faudra connaître le mieux possible les utilisateurs. Une fois les informations de base collectées, on pourra les interroger.

Cette première étape peut donner lieu à la réalisation de parcours utilisateur ou de personas. On veillera à ne pas confondre ces personas avec les personas marketing qui aident à définir des cibles, en privilégiant une représentation des utilisateurs mettant en lumière leurs besoins, leurs attentes et les difficultés qu'ils rencontrent. On parle aussi « d'empathy map » (ou carte d'empathie).

Exemple

Un persona utilisateur en Design Thinking ne se contente pas de décrire une cible marketing. Il doit témoigner des attentes et des besoins utilisateurs. Voici un exemple de carte d'empathie pour bien décrire vos utilisateurs :

Vous pouvez en télécharger la version PDF originale ici et la traduction en français là : lien

Quelques exemples de cet outil en situation d'atelier sont présentés ici :

voir lien

Cette phase d'empathie nous aidera à construire une définition claire du besoin, formulée le plus souvent sous la forme d'une problématique à résoudre.

Idéation

C'est une phase durant laquelle on va chercher à produire le maximum d'idées. Ici, toutes les méthodes de génération d'idée seront les bienvenues.

Exemple

Parmi les techniques de créativité, vous pouvez utiliser le brainstorming – ou sa variante brainwriting, le reverse brainstorming ou la recherche de « la pire idée possible », le mind mapping qui favorise la pensée associative, la méthode des six chapeaux de Bono, qui permet d'envisager un problème sous de multiples points de vue...

Les méthodes et activités sont nombreuses ; peu importe celles que vous sélectionnerez, dans cette étape, le but sera de produire le maximum d'idées possible.

Une fois les idées produites, une étape de tri et de sélection sera menée pour identifier les meilleures idées. On tiendra compte de trois critères essentiels :

  • Le niveau de désirabilité pour l'utilisateur,

  • La faisabilité du point de vue de l'organisation

  • Et de la viabilité de l'idée d'un point de vue business.

Pour effectuer cette sélection, la multiplicité des profils présents dans l'équipe sera un atout majeur.

Prototypage

Le prototypage va nous aider à transformer une simple idée en réalité tangible. On produira une version incomplète de la solution envisagée, sans tous ses détails pour aller au plus vite, mais avec une complexité suffisante pour tester nos hypothèses.

Exemple

Selon la nature de l'idée à tester, le prototype peut prendre des formes multiples : on peut utiliser des Lego, des morceaux de carton, de la pâte à modeler, des illustrations, etc.

Pour un produit digital, n'importe quel outil permettant de maquetter des interfaces sera le bienvenu. Inutile de développer, l'important c'est que l'utilisateur puisse se projeter dans l'utilisation du produit à l'étape suivante.

Pour l'équipe, le prototypage permet aussi de confronter les principes imaginés à la réalité matérielle. Il n'est pas rare que la phase de prototypage entraîne des modifications mineures, avant même d'avoir abordé les tests.

Tests

Les tests sont au cœur de la démarche. Le prototype n'aura de valeur que si vous l'utilisez pour conduire une série de tests utilisateurs. On organisera des sessions dédiées permettant de valider nos hypothèses, mais aussi (et ce n'est pas à négliger) d'apprendre et collecter des informations nouvelles sur les comportements des utilisateurs.

Itération

Il est probable (ou alors vous êtes très doués, etc.) que la première tentative ne sera pas un succès absolu. Les tests vous amèneront nécessairement à des conclusions que vous devrez formaliser et qui conduiront à des modifications de votre idée de départ ou de votre produit. C'est en tenant compte de ces retours que vous pourrez faire évoluer votre produit au cours d'itérations successives afin de proposer une solution plus en phase avec les attentes de vos utilisateurs.

Tout atelier de créativité s'inspirera, de près ou de loin, de l'approche Design Thinking.