Organiser un atelier de créativité

Un atelier en général, et tout particulièrement un atelier de créativité, ne sera efficace que s'il permet une bonne alchimie entre deux composantes : l'état d'esprit et la motivation du groupe d'un côté, et de l'autre la bonne perception des objectifs visés. Ces derniers devant conduire à un résultat concret et exploitable.

Préparation, parce que rien ne s'improvise

Commencez par fixer un objectif que vous ne pourrez pas repousser : indiquer la date de votre workshop dans votre agenda (suffisamment proche pour se projeter, suffisamment loin pour avoir le temps de tout organiser). Invitez les participants, vous ne pourrez plus reculer ; c'est très motivant pour vous « contraindre » à bien planifier la préparation.

Définir la problématique à traiter

Vous devez identifier, avant toute chose, un sujet, une problématique claire à résoudre. Vous pouvez même en amont solliciter les futurs participants pour qu'ils vous transmettent des informations utiles. Elles seront ensuite éventuellement reformulées, synthétisées et communiquées au groupe de travail. Ici, vous collectez des données nécessaires à la phase d'immersion.

De cette problématique, en accord avec la direction de l'organisation, vous pourrez formaliser un défi à relever. C'est ce défi que vous soumettrez à l'équipe.

Il sera aussi important d'envisager quelle devrait être la forme concrète de la solution : un objet ? Un support de communication ? Une interface ? Une « simple » roadmap ? Les participants devront avoir une idée limpide de là où ils doivent arriver. Vous plus encore, si vous êtes l'animateur du workshop.

Prévoir les rôles des participants

Sans équipe, pas d'atelier ! Les profils sélectionnés pour participer seront un ingrédient essentiel de la réussite de votre workshop. Garder en tête que la variété des profils reste essentielle. Certes, vous organisez un workshop créatif, mais il serait dommage de ne le faire qu'avec des designers.

Mélangez les profils présents dans l'organisation afin d'obtenir des visions différentes de la problématique, des enjeux et des regards critiques variés sur les solutions que vous proposerez. N'oubliez pas non plus que vous devriez avoir un décideur au casting. À un moment ou à un autre, vous allez devoir faire des choix qui engageront l'organisation.

Prévoyez aussi de mobiliser des experts qui apporteront leur éclairage sur la thématique que vous abordez. Ils peuvent être internes ou externes à l'organisation.

Et, si possible, pensez à inviter un ou deux « candides ». Des profils totalement éloignés du défi que vous aurez à relever durant le workshop. Les questionnements naïfs sont souvent d'excellents leviers pour la créativité. À contrario, si votre sujet s'y prête, vous pouvez aussi prévoir des mentors qui viendront accompagner les participants.

Veillez aussi au nombre de participants. Selon les méthodes et activités programmées, ce nombre pourra être variable, mais au-delà d'une dizaine de personnes, un atelier peut s'avérer très compliqué à gérer !

Identifier les problèmes

Vous ne pourrez pas toujours organiser un atelier dans des conditions idéales : salles inadaptées, participants « contraints » de venir, décisionnaires absents, matériel limité, etc. Essayez d'identifier le plus tôt possible les difficultés éventuelles. Si des problèmes sont prévisibles, adaptez votre séquence d'atelier et prévoyez des « plan B », comme des activités plus simples par exemple.

Construire le programme minuté

Le déroulement de l'atelier sera fonction de vos objectifs et du temps dont vous disposerez. Prévoyez des activités en adéquations avec vos buts, et surtout, définissez le temps que vous voulez consacrer à chacune. Prévoyez toujours une première séquence pour partager les règles de l'atelier, pensez à alterner des phases stimulantes et des phases plus calmes permettant de se reconcentrer. Et bien entendu, pensez à programmer les pauses.

Rédiger une check-list du matériel

Cet outil, qui peut être aussi simple qu'une liste sur une feuille de papier, sera votre sauveur dans bien des situations. Nous n'avons pas tous une mémoire d'éléphant, aussi, pour sécuriser le déroulement de votre workshop, noter, activité par activité, le matériel dont vous aurez besoin.

Exemple

Avez-vous pensé aux jeux de construction ? Aux post-it en nombre suffisant ? Au papier ? Aux feutres de différentes tailles et couleurs, etc. ? Bref, évitez de vous retrouver devant les participants de l'atelier à devoir faire des propositions d'idées en coupant des post-it en quatre.

Ajoutez-y aussi le matériel technique, de types câbles divers et adaptateurs variés. Ici, mieux vaut trop que pas assez. Rien n'est pire que d'arriver en atelier et de ne pas pouvoir projeter la présentation prévue pour cadrer la séance, etc.Tout simplement parce qu'on n'a pas le bon adaptateur pour le Mac ou que finalement ce ne sera pas un vidéo protecteur, mais un écran de télévision, et que le câble HDMI est manquant.

Ce n'est pas non plus idéal de ne pas pouvoir brancher un téléphone ou son portable (même s'ils sont interdits durant les activités). Gardez en tête que priver un participant d'énergie, même pour seulement 3 heures, c'est pour certains une telle contrainte qu'ils ne penseront à rien d'autre que rentrer du travail avec un smartphone déchargé... Prévoyez les prises !

Pour ne rien oublier, en fonction de l'atelier que vous devrez animer et des activités que vous prévoyez, prenez le temps de rédiger une check-list en amont pour ne pas être confrontés à de bêtes imprévus le jour J.

Vous pouvez le constater, un workshop ne commence pas avec le début de la séance. Ne sous-estimez pas ce temps de préparation. Vous pouvez facilement compter deux heures de préparation pour une heure d'atelier avec les participants.

Déroulement de l'atelier de créativité

Avant la séance

Un atelier de travail, même si c'est un atelier de créativité, cela s'anticipe. En tant qu'animateur, vous devrez arriver sur les lieux avant vos participants. Il vous faudra vous assurer que la salle est correctement agencée, que tous les supports et outils que vous avez prévus sont bien fonctionnels, que le matériel dont vous aurez besoin est bien à la disposition de tous.

Si possible, faites les vérifications du bon fonctionnement des équipements la veille : assurez-vous que les vidéoprojecteurs et systèmes de son fonctionnent, que les câbles de raccordement sont disponibles, que les adaptateurs soient là, que des prises multiples sont bien présentes pour que vos participants puissent charger leurs appareils, etc.

N'oubliez pas non plus de vérifier que café et boissons sont disponibles, et si l'atelier doit durer plus d'une demi-journée que des petits en cas (des fruits, des friandises, etc.) soient également mis à disposition.

Pendant la séance

L'accueil des participants est un moment très important ; il influencera tout le déroulement de l'atelier. Si les participants sont mal accueillis, ils n'auront pas la moindre envie de participer, etc. Ce qui ruinera totalement votre atelier.

Il est important de se présenter et, si les participants ne se connaissent pas, d'organiser un tour de table rapide. Attention, il ne s'agit pas de dérouler le CV de chacun, mais de donner son nom, sa fonction et éventuellement d'utiliser quelques mots pour se présenter.

Complément

La présentation, cela peut aussi être le moment d'utiliser un ice-breaker (« briseur de glace ») lorsque les participants n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. Vous pouvez par exemple utiliser le jeu « 1 mensonge, 2 vérités ».

Pendant deux minutes, chacun prépare mentalement 2 faits réels pour se décrire (et pas uniquement professionnels) et imagine un petit mensonge. Cette préparation achevée, on lance la partie. Chacun énonce son nom puis les 3 affirmations.

En tant qu'animateur, vous pouvez donner l'exemple en initiant le tour de table. Parmi les affirmations doit se cacher un mensonge. Le groupe peut échanger pendant 1 minute pour déterminer quelle affirmation est fausse, puis le participant partage la bonne réponse.

C'est amusant et cela dynamise le groupe.

Présenter ensuite le déroulement de l'atelier, qui idéalement restera visible de tous durant toute la séquence. Ce programme annonce les étapes et activités à venir, précise (important) l'heure des pauses et permet de matérialiser la progression en marquant les étapes au fur et à mesure. Vous veillerez à le respecter autant que possible.

Durant les activités de l'atelier, l'animateur endosse avant tout un rôle de facilitateur. Il doit en permanence veiller à ce que les participants puissent avancer. Il met le matériel à disposition de tous, fait le tour de tous les groupes de travail pour s'assurer que personne n'est bloqué, répond à toutes les questions « organisationnelles ».

À noter que l'animateur n'est pas un participant (par définition). Il ne doit donc pas produire à la place des participants, même s'ils lui semblent ne pas avancer assez vite. En tant qu'animateur, vous veillerez également à souvent reformuler les propositions, interrogerez les participants pour leur faire préciser leurs intentions, pour éclairer leurs propositions, etc.Et par la même occasion, donner des informations utiles pour que les autres puissent rebondir. La créativité a besoin d'éléments de briques de base pour se construire.

Exemple

L'animateur d'un atelier de créativité doit maîtriser quelques techniques, mais il doit surtout adopter une bonne attitude dans ses postures d'animation. Il est le garant des règles établies pour le bon déroulement de l'atelier, mais il doit aussi faire preuve de bienveillance et éviter les jugements intempestifs. Parmi ses compétences il doit savoir :

  • Écouter (vraiment) les participants de l'atelier, ne pas couper la parole, rester concentré.

  • Poser des questions ouvertes et, quand il ne s'agit pas d'organisation, éviter absolument les questions fermées auxquelles on peut faire une réponse binaire.

  • Reformuler régulièrement, recentrer les réflexions lorsque c'est utile.

  • Valoriser les participants pour encourager la participation.

  • Ne pas entrer dans des justifications ou des débats, il n'est pas le sujet de l'atelier.

  • Marquer la progression en faisant valider par le groupe qu'un point est traité.

  • Recadrer à chaque fois que ce sera nécessaire.

L'animateur devra également veiller à la bonne gestion du temps. Les activités doivent être prévues dans des boîtes de temps déterminées. Cette contrainte est utile pour stimuler la créativité des participants, mais aussi pour éviter que les esprits ne s'enlisent dans des séquences qui traînent en longueur et finissent par ennuyer les participants. Ne dépassez pas les boîtes de temps annoncées : quand les participants se rendront compte qu'ils peuvent continuer à avancer même après que le chronomètre aura sonné, ils seront tentés de ne plus du tout les respecter.

Il est probable qu'à la fin de l'atelier ou après les activités qui le composent, des moments de bilan seront nécessaires. Là encore, c'est un rôle qui incombe à l'animateur de l'atelier. Mettez en lumière les points abordés, les principales propositions, synthétisez les échanges en demandant aux participants de vous y aider. Il est essentiel que chaque effort conduise à un résultat que vous pourrez mettre en évidence, et ce quelles que soient les activités proposées.

Après l'atelier

Un atelier, si vous ne lui donnez aucune suite, sera perçu comme un événement inutile par les participants, même s'ils ont passé un bon moment. L'atelier de créativité doit aboutir à un résultat qui sera exploité, ou même, parfois, à des décisions impliquant l'abandon d'une idée. Mais dans tous les cas, il doit y avoir une suite et les participants devront pouvoir retrouver la trace de leurs travaux.

Exemple

En tant que facilitateur, Mathieu prend soin de toujours envoyer aux participants des ateliers qu'il anime une synthèse de leur travail et quelques souvenirs en prime. Les éléments tangibles issus de l'atelier sont partagés avec l'équipe, mais aussi avec le reste de l'organisation.

Cela peut être un prototype réalisé en atelier, une présentation de synthèse réalisée avec l'équipe, les résultats de tests, etc. Dans tous les cas, un atelier se conclut par un plan d'action partagé et diffusé.

Ces éléments rendent concrets les travaux réalisés en atelier et légitiment la démarche au sein de l'organisation.

Pour les participants, et uniquement pour eux, Mathieu partage quelques éléments bonus :

  • Les photos prises pendant l'atelier, alors que les participants sont en train de travailler,

  • Les photos des facilitations graphiques, des objets construits en séance,

  • La playlist Spotify éventuellement utilisée en fond sonore pendant l'atelier.

Ces éléments créent de l'attachement et seront utiles à la cohésion de l'équipe si les mêmes participants doivent collaborer lors d'un atelier futur.

Varier les activités

Un atelier réussi devra alterner des phases ouvertes à l'intuition et à la créativité (la divergence du Design Thinking) et des phases de sélection et de recentrage (la convergence). C'est l'alternance de ces phases qui donnera du sens et renforcera l'efficacité de votre workshop.

Dans leur ouvrage « Passez en mode workshop agile ! », Jean-Michel Moutot, David Autissier et François-Xavier Duperret présentent un modèle simple et efficace pour structurer les workshops : le modèle du pendule qui matérialise cette alternance divergence – convergence :

Cette alternance sera essentielle pour assurer l'efficacité de vos workshops. N'imaginez pas demander aux participants de rester concentrés tout au long d'un séminaire en se focalisant uniquement sur des activités de convergence. Ce sera vite monotone, épuisant, et les propositions de l'équipe ne seront probablement pas à la hauteur de vos attentes (ni des leurs d'ailleurs).

À l'inverse, concevoir un workshop seulement sur des activités de divergence, c'est prendre le risque que les propositions qui en sortiront seront tout bonnement inapplicables. Vous risquerez aussi de décrédibiliser l'activité non seulement auprès de l'équipe, mais aussi auprès de la direction de l'organisation.

Vous veillerez donc à alterner des phases d'ouvertures, propices à la génération d'idées et des phases de recentrage pour donner le formalisme nécessaire et le transfert des meilleures idées dans une réalité tangible. La production d'idées étant, ne l'oublions pas, stimulée par des activités ludiques, des événements inattendus, l'expression artistique ou manuelle, etc.

Exemple

Parmi les activités de divergence, vous trouverez toutes les techniques de créativité qui vous aideront à faire émerger des idées. On y retrouvera celles citées plus haut comme le brainstorming, mais aussi les activités qui invitent les participants à changer de posture ou de point de vue comme les chapeaux de Bono. Les activités de concassage comme SCAMPER sont aussi des activités de divergence, de même que les moments où vous inviterez les participants à construire des choses de leurs mains (Lego, jeux de construction, défis avec des allumettes, etc.). Durant ces séquences, on stimule l'esprit et on favorise l'émergence de pistes à explorer.

Les activités de convergence vont rassembler toutes les séquences durant lesquelles on se recentre sur les objectifs et où on évalue la faisabilité réelle et concrète des propositions. On y retrouvera toutes les techniques de tri (regroupement, classification) et de sélection (dot voting avec les gommettes par exemple). Ces moments de convergence seront également exploités lors des étapes de restitution permettant de valider une étape pour passer à la suivante ou lors de la définition du plan d'action.

De l'atelier à l'action concrète

À la fin d'un atelier de créativité, vous avez normalement fait germer dans l'esprit des participants un grand nombre d'attentes. Après tout, ils auront passé du temps et de l'énergie pour produire (on l'espère) de multiples propositions. Vous ne pouvez pas laisser l'équipe dans le flou après un atelier, au risque de générer beaucoup de frustration.

Le groupe, de son côté, aura pris des engagements durant l'atelier. Les engagements pris face aux autres participants de l'atelier seront beaucoup mieux tenus que ceux pris dans une discussion manager-collaborateur. Il serait dommage de passer à côté de toute cette énergie positive et de laisser tomber dans l'oubli les propositions ayant germé durant le workshop.

C'est pour cela que tout workshop doit donner lieu à un plan d'action formel. Cela devrait idéalement être la dernière action de recentrage de tout atelier.

Construire un plan d'action

Le plan d'action présente l'avantage de lister sans en oublier aucune les actions à faire décider lors d'un workshop. En les listant, on peut mettre en lumière les choses à faire, leur associer des responsables, et en vérifier la bonne exécution.

Le plan d'action doit être construit collectivement pour stimuler l'implication. C'est pour cela qu'il est plus efficace de réserver quelques minutes en fin de workshop pour le construire ensemble, plutôt que de laisser sa construction aux soins de l'animateur pour un envoi ultérieur.

Chaque action doit être rédigée de manière limpide, sans laisser de place à l'ambiguïté. Le tableau est un bon format. On doit pouvoir, pour chaque action listée, répondre aux questions essentielles :

  • Quoi ? Pour identifier ce qu'il y a à faire.

  • Qui ? Pour associer une responsabilité à chaque action listée dans le plan. L'acteur prend la responsabilité que l'action soit menée, cela ne veut pas dire qu'il devra l'exécuter en personne.

  • Comment ? Pour identifier les moyens envisagés pour mener l'action. On va ici parler de budget, de ressources humaines mises à disposition, de matériel nécessaire, etc. C'est important de pouvoir le préciser, car cela valide la faisabilité de l'action.

  • Quand ? Pour indiquer une échéance. On veillera à rester réaliste dans les délais annoncés, sans pour autant renvoyer une action aux calendes grecques. Gardez aussi en tête que dans un plan d'action, certaines vont dépendre d'autres. Vous pouvez éventuellement matérialiser ces dépendances dans votre plan.

  • On ajoutera une dernière colonne, pour indiquer le moyen de vérification de l'action. Lorsqu'une action aura été réalisée, n'importe quel membre du groupe de travail doit pouvoir le vérifier. Cette information permettra également de se mettre d'accord sur un élément concret qui indiquera qu'une action est bien finalisée.

Exemple

Votre plan d'action pourra prendre la forme d'une simple grille, que vous pouvez construire de façon collaborative en fin d'atelier et que l'animateur se chargera de mettre au propre pour la diffuser après l'atelier à l'ensemble des participants.

Voici pour l'exemple un modèle que grille que vous pouvez réutiliser :

Le plan d'action sera aussi un formidable outil de suivi qui permettra de témoigner de l'avancement des réalisations et de maintenir la motivation de l'équipe. Il incarnera la légitimité de votre workshop en démontrant qu'une session de créativité peut se traduire en avancée concrète et porteuse de valeur dans la vie de l'organisation.