Affiche de publicité moderne
Tournant du XVIIIe siècle
De l'information à la communication
À la fin du XVIIIe siècle s'amorce la révolution industrielle. L'affichage publicitaire prend un tournant : l'audience n'est plus considérée comme un récepteur passif de l'information, mais comme une partie prenante active, capable de réagir au message. Cette perspective permet de considérer que les annonces affichées ne sont plus seulement informatives, mais à visée communicative. Le but des affiches est désormais de générer des interactions avec l'audience, comme des réactions. Quant au but mercantile des affiches publicitaires, il n'apparaîtra qu'au XXe siècle.
Affiche annonçant un spectacle équestre, 1798, crédit Bibliothèque Nationale de France |
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De la publicité à ... la publicité
Ici, la notion de publicité est utilisée dans sa définition première : rendre public. Ce n'est qu'au XIXe siècle que le tournant de la publicité pour faire de la réclame se fait.
« Le terme « publicité » apparaît dans les années 1630, au même moment que la presse, son principal support. Il désigne alors l'action de porter à la connaissance du public.
200 ans plus tard, il ne signifie plus seulement une opération, menée à des fins marchandes, mais un emplacement dans une publication, un court article inséré à titre onéreux, pour vanter les mérites d'un produit et inciter le destinataire à l'acheter. Ainsi, en France, la publicité, dans son acception actuelle, apparaît vers 1830 avec l'avènement de la presse à bon marché.
Auparavant, le régime des corporations interdisait le développement de la concurrence dans les relations commerciales, elle était seulement un service gratuit que le journal devait à l'abonné, non une prestation que le commerçant est tenu de financer. Elle n'était, de fait, qu'une petite annonce parmi d'autres, se confondant avec l'immobilier des notaires, les avis de mariage, les promotions de nouveaux livres et de nouveaux spectacles.
Le véritable changement intervient en 1827 quand une loi postale multiplie par deux et demi le prix de port des journaux, amenant les dirigeants à augmenter au maximum autorisé le format des quotidiens, qui passe de deux à trois colonnes. Cette forte majoration des dépenses et ce gain de place substantiel conduisent à rechercher activement des annonceurs payants. Dès lors apparaissent les prémices d'une organisation avec les premiers courtiers chargés de recueillir auprès des commerçants et manufacturiers les « réclames » à insérer dans la presse.
En 1845, naît la Société Générale des annonces, qui exploite la publicité des grands titres parisiens, avant de fusionner, en 1865, avec l'agence Havas, première entreprise de distribution et de collecte de nouvelles d'envergure internationale, véritable trust capable d'absorber les maisons concurrentes. L'exigence de visibilité impose progressivement la séparation de l'annonce commerciale de la petite annonce. »
Affiche au XIXe siècle
L'évolution technologique des supports
En 1818, l'invention de la lithographie permet la duplication des affiches. En 1849, la mise au point de la chromolithographie permet d'imprimer des couleurs, puis la lithographie de grande surface amène à l'impression de grands formats[1]. L'ensemble de ces avancées technologiques permettent d'améliorer la visibilité des affiches, notamment avec l'utilisation de typographies. À cette période, les affiches sont principalement utilisées pour faire la promotion d'objets littéraires ou de spectacles.
Martinon Éditeur, affiche illustrée par Nadat, 1854, crédit Bibliothèque Nationale de France |
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Le crépuscule des dieux, lithographie de Hermann Hendrich, XIXe siècle, crédit Bibliothèque Nationale de France |
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L'émetteur de l'affiche
Au XIXe siècle, les affiches sont réalisées par des artistes qui disposent d'une grande liberté en termes de création. De la relation avec le commanditaire du travail, c'est l'artiste qui domine : il est choisi pour son identité visuelle, son style personnel, pour sa renommée également. En conséquence, le produit est parfois relégué au second plan, derrière le sujet ou l'intention artistique de l'auteur. Parmi ces artistes affichistes, on retrouve Toulouse Lautrec, Mucha, Cheret, Choubrac, Alesi, Manet, etc.
Amants, une comédie de Donnay, affiche de Alphonse Mucha, 1895, crédit Bibliothèque Nationale de France |
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Le destinataire de l'affiche
Pour les affichistes du XIXe siècle, la cible des affiches n'est pas qu'un potentiel consommateur, mais un interlocuteur avec lequel l'œuvre va entrer en dialogue pour transmettre un message avant tout émotionnel.
Dans les illustrations de cette époque, la société de classe est régulièrement représentée parce que c'est à travers cette grille de lecture que les individus se reconnaissent et s'identifient. Les deux classes qui s'affrontent sont la bourgeoise (avec des représentations de plaisir, de loisir, de lascivité, de malice) et la société de classe ouvrière (avec des représentations de travail, de labeur, portées vers l'espoir d'un avenir meilleur).
Loterie de bienfaisance au profit des ouvriers de Bessèges, affiche de Nob, 1890, lithographie en couleur, crédit Bibliothèque Nationale de France |
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Affiche au XXe siècle
L'ère industrielle et la consommation de masse
Entre les deux guerres mondiales, l'Europe s'installe dans l'ère industrielle et produit des biens de consommation en masse. Pour que le système de l'économie capitaliste qui s'impose petit à petit fonctionne, ces biens doivent être vendus et consommés.
L'objectif des affiches publicitaires évoluent donc : les annonces ne doivent plus seulement faire connaître (objectif cognitif) et faire aimer (objectif affectif) un produit ou un service, mais orienter l'opinion pour faire agir (objectif conatif) les cibles. Les affiches sont alors utilisées comme un média de masse mobilisé dans la propagande marchande.
« La publicité appartient à cet univers (ndrl : de la culture de masse), car il s'agit de vendre au plus grand nombre : par conséquent, la publicité s'adresse à l'individu type dont les enquêtes et les lois du marketing ont tracé le portrait (physique et psychologique) auquel le produit doit répondre. La publicité considère par conséquent le groupe cible, comme une masse composée d'éléments grossièrement semblables dans leurs aspects physiques et leurs désirs. Ce qu'elle nomme personnalisation, est un discours stéréotypé qu'elle adresse à chacun : elle considère donc l'homogénéité de la masse, le caractère indistinct des individus, et leur absence de relations, de structuration sociale. »
Affiche Citroën, 1920, crédit Bibliothèque Nationale de France |
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Affiche Citroën, 1928, crédit Ville de Paris / Bibliothèque Forney |
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Le dictionnaire CNRTL définit le substantif féminin « propagande » comme une « action psychologique qui met en œuvre tous les moyens d'information pour propager une doctrine, créer un mouvement d'opinion et susciter une décision. »
La doctrine du « consommatisme »
Dans la culture de masse qui se met en œuvre par l'intermédiaire des affiches publicitaires, l'individu disparaît au profit du produit. Il est réduit à ce qu'il consomme et rejoint la grande communauté des personnes qui lui ressemblent dans ses habitudes de consommation.
« La pénétration de l'« idéologie politique de la consommation de masse » ou « consommatisme »[3] rend possible, dans l'entre-deux-guerres, une idée de la démocratie comme l'« expression naturelle de la production industrielle, sinon comme un sous-produit du système marchand ». L'accès à la consommation de biens s'identifiant avec la « liberté politique ». Née à l'ombre du fordisme et de la nécessité d'incorporer les grandes majorités à la consommation, la médiation marchande des « valeurs universelles » se naturalisera au rythme des phases de l'internationalisation de l'économie et des changements du mode d'organisation des grandes entreprises, avec comme enjeu, à chaque modification d'échelle, le recul des seuils de tolérance face à la « privatisation » de l'espace public comme lieu du débat démocratique. »
Le destinataire
Dans cette nouvelle configuration, le destinataire du message de l'affiche est le consommateur. Le destinateur est l'annonceur. Et l'émetteur du message se complexifie avec une multiplication des acteurs : annonceur, média et publicitaire. Ici, l'affichiste est soumis aux directions du commanditaire. Il perd le statut d'artiste pour celui de prestataire. Son identité visuelle et son expression individuelle disparaissent au profit de l'identité de la marque. Le travail sur l'esthétique est remplacé par un travail sur la psychologie du langage, des formes, des couleurs, et de comportements au service d'objectifs marketing. Le geste créatif est remplacé par un ensemble de techniques et de procédés dont l'utilisation doit être justifiée et validée par le commanditaire de l'affiche.