Digitalisation et sourcing

Contexte

« Le recrutement est la première image que le futur salarié a de son entreprise ». Cette phrase si simple et évidente est lourde d'enseignements pour un recruteur : s'il n'est pas capable de proposer une « expérience » particulière aux candidats, a fortiori dans un contexte de « guerre des talents », ceux-ci passeront leur chemin.

Les outils digitaux se sont développés dans un tel contexte avec le double objectif d'améliorer l'efficacité du process du recrutement, non seulement dans ses aspects performatifs, mais aussi dans ses aspects qualitatifs. Trois étapes sont impactées par la digitalisation : l'étape du sourcing (la recherche de candidats), l'étape de sélection, et l'étape d'intégration (également appelée le onboarding).

Et le besoin en innovations du process recrutement est fort si on en croit les responsables en entreprise : interrogés par le cabinet Robert Walters en 2018, ils attribuent la note de 4/10 au degré d'innovation technologique de leurs process RH. Et dans le même temps, les candidats mettent de leur côté la note de 8/10 à l'importance que l'innovation a pour eux en entreprise.

Les entreprises n'ont donc pas encore atteint leur maturité en matière d'innovation RH. Dans le même temps, un grand nombre de startups ont investi le champ des RH depuis 10 ans, et notamment toutes les étapes du process de recrutement. Selon l'étude CB Insights de mai 2017, les investissements mondiaux en innovation RH atteignent environ 2 milliards d'euros par an.

Ce cours a pour objet de cerner toutes les innovations digitales qui révolutionnent aujourd'hui les pratiques de recrutement. La plupart des données chiffrées mobilisées sont issues du Livre Blanc publié par le cabinet Robert Walters en 2019 et intitulé « Recrutement et intégration des talents : quelle place pour l'innovation ? ».

Réseaux sociaux et plateformes communautaires

FondamentalLa place des réseaux sociaux

Le parcours classique quand on recherche un emploi est bien loin de ce qui existait il y a encore dix ans, à savoir l'envoi de candidatures, de façon spontanée ou en réponse à des offres. Aujourd'hui, les candidats savent qu'ils doivent se rendre visibles sur les réseaux sociaux. Qu'ils soient actifs ou passifs, ils sont aujourd'hui massivement présents sur les réseaux sociaux, qu'ils appartiennent ou pas à la fameuse génération Y, ou Millennials, qui regroupe les personnes nées en 1980 et 2000, et qui représentera 75 % des salariés en 2025.

Selon Robert Walters, quand on interroge les candidats sur les outils qu'ils privilégient lorsqu'ils sont en recherche d'emploi, les réseaux sociaux sont cités par 81 % d'entre eux.

Et dans le même temps, les entreprises ont aussi massivement recours aux réseaux sociaux pour publier leurs offres ou pour approcher directement des candidats potentiels (ce qu'on appelle la chasse) : Robert Walters cite le chiffre de 87 % d'entreprises utilisatrices des réseaux sociaux, alors que l'APEC site un chiffre sensiblement inférieur dans son baromètre de sourcing des cadres, paru en 2019. Selon l'APEC, 53 % des entreprises auraient en effet recours aux réseaux sociaux. Mais comme dans le même temps, 89 % disent utiliser les offres d'emploi, et que les réseaux sociaux sont aussi un lieu de publication des offres d'emploi, on peut imaginer que les deux chiffres recoupent des informations communes et que la réalité se situe quelque part entre les deux !

Définition

Les réseaux sociaux regroupent non seulement les réseaux dits professionnels (avec Linkedin qui domine le marché) que les non professionnels (Facebook ou Twitter notamment).

FondamentalLes sites de notation ou plateformes communautaires

Plus récemment sont apparus des sites de notation et d'avis où salariés et candidats peuvent évaluer leur expérience dans une entreprise donnée. Glassdoor est le leader de ce marché de ce qu'on appelle des plateformes communautaires.

Définition

Une plateforme communautaire se situe à la croisée entre le réseau social et la plateforme de diffusion de contenus. Un site communautaire n'est pas un blog ou une page perso, mais un site rassemblant des internautes qui leur permet de partager des centres d'intérêts communs (selon la définition proposée par Wikipedia).

ExempleGlassdoor, leader des sites de notation

Ainsi, Glassdoor, en tant que plateforme communautaire, offre quatre fonctionnalités sur son site :

  • Des avis et opinions (de collaborateurs, d'anciens collaborateurs, de candidats),

  • Mais aussi des comparatifs pour mesurer sa valeur sur le marché du travail (en « benchmarkant » son salaire avec celui des autres à poste équivalent),

  • Des conseils pour préparer ses entretiens,

  • Et des offres d'emploi.

Fondamental

Quand on sait qu'un candidat sur trois consulterait l'une de ces plateformes lors d'un process de recherche d'emploi (et que 95 % en général se renseignent sur la réputation de leur potentiel employeur avant de postuler, nous dit LinkedIn)... alors que seulement 1 entreprise sur 7 les utiliserait pour diffuser leurs offres, on comprend combien le potentiel de progrès est donc très fort sur ce sujet.

De plus en plus d'entreprises investissent donc du temps sur le sujet pour :

  • Mobiliser leurs collaborateurs et anciens collaborateurs afin qu'ils partagent leurs expériences en ligne (témoignages, notes, niveau de rémunération, niveau de satisfaction),

  • Se créer ainsi un profil sur la plateforme en insérant des textes de présentation, des témoignages, des photos, des vidéos,

  • Et ainsi, valoriser leur réputation et leur marque employeur auprès des candidats.

Sites de matching

Définition

Les sites d'emploi qui font du « matching de compétences » (de l'anglais « match » : correspondre, faire se rencontrer) prennent timidement de l'ampleur en France. Leur principe ? Analyser les prérequis d'un poste et les compétences d'un individu, et permettre à des personnes qui recherchent un emploi d'un côté, et à des entreprises qui proposent un travail de l'autre d'entrer en correspondance. Et ce, alors que, ni le chercheur d'emploi n'aurait même pas pensé à faire acte de candidature pour ce poste et que le recruteur de son côté n'aurait pas orienté ses recherches vers ce type de profil.

Exemple

La plupart des jobboards et des réseaux sociaux ont dorénavant développé cette fonctionnalité et « pushent » ainsi des messages vers des candidats potentiels, en recherche ou pas, sur le thème « nous avons identifié ces annonces qui pourraient vous intéresser ».

Mais des applications existent aussi maintenant, dont la plus célèbre est sans doute Kudoz, qui proposent des solutions de matching dit dynamique : plus un candidat va visualiser des offres et indiquer ses préférences, plus Kudoz va apprendre à le connaître et va lui proposer des offres en adéquation avec ce qu'il recherche.

Complément

Même si ces outils se développent, le bilan est toutefois en demi-teinte : moins d'un candidat sur deux utiliserait ces fonctionnalités lors de sa recherche d'emploi.

Intelligence artificielle comme outil de sourcing

Fondamental

Les biais en recrutement sont connus et sont très largement liés à la subjectivité du recruteur, sans parler de son incapacité à être présent partout pour identifier et sourcer des candidats possibles, a fortiori quand ils sont passifs. L'intelligence artificielle, et les algorithmes permettant d'effectuer des recherches et des pré-sélections de candidats ne sont utilisés aujourd'hui que par 1 recruteur sur 7. Chiffre faible donc, par rapport aux promesses qui sont les siennes, qui est très largement lié aux craintes qui existent à son sujet : déshumanisation, dépersonnalisation, et surtout manque de fiabilité dans l'évaluation des candidats.

Source : Livre blanc Robert Walters, Recrutement et intégration des talents, quelle place pour l'innovation ? (2019)

Exemple

Quand elle est bien utilisée, et utilisée en complément d'une intervention humaine nécessaire, cette automatisation des recherches peut pourtant être très puissante : ainsi, des solutions digitales existent aujourd'hui, qui permettent de « lire » les descriptifs de poste élaborés par une entreprise, puis de pré-sélectionner des profils et donc des candidats potentiels, au sein de l'ATS (acronyme qui signifie Applicant Tracking System) de l'entreprise, des jobboards, et des réseaux sociaux professionnels.

De nouvelles solutions se développent aussi en ce moment, qui s'appuient sur le Big Data, les analyses prédictives et les signaux sociaux (analyse de la teneur des messages échangés sur les réseaux publics notamment) pour aider les entreprises à identifier les candidats les plus susceptibles de changer d'emploi à court terme, etc. le tout en trouvant dans le même temps leur adresse e-mail personnelle !

Autres tendances : la multidiffusion d'annonces d'emploi, le recrutement mobile, et la cooptation

ComplémentLa multidiffusion d'annonces

Des solutions digitales (comme l'application multiposting par exemple) se sont développées ces dernières années et permettent au recruteur qui cherche à sourcer des candidats de poster leur annonce sur une multitude de sites en un seul clic. Ainsi, cette multi-diffusion permet au recruteur de publier en une fois son annonce sur :

  • Tous les sites d'emploi (ou jobboards),

  • Tous les réseaux sociaux,

  • Tous les sites écoles ou universités.

Ces outils sont d'une grande puissance de frappe puisqu'ils font gagner du temps et de l'efficacité au recruteur. Par ailleurs, ils lui permettent de gérer son annonce dans le temps, voire de la faire évoluer, et d'avoir accès à un tableau de bord et à des rapports récapitulant les statistiques liées à l'annonce sur chacun des sites (nombre de consultations, nombre de CVs envoyés, nombre de candidats reçus, taux de transformation, saisonnalité, etc.).

ComplémentLe recrutement sur smartphone

Selon le CREDOC, 98 % des Français ont aujourd'hui un téléphone portable, et les ¾ ont un smartphone. Par ailleurs, pour les moins de 39 ans, c'est le smartphone qui est privilégié pour surfer sur le net. Dès lors, les entreprises ne peuvent faire l'impasse de donner la possibilité aux candidats de pouvoir postuler n'importe où, n'importe quand, et sur n'importe quel support. D'ailleurs, plus d'1/3 des candidats disent utiliser leur smartphone pour postuler à des emplois.

Toutefois, si les réseaux sociaux et les jobboards sont passés aux interfaces mobiles depuis bien longtemps, ce n'est le cas que pour 40 % des entreprises avec seulement 14 % d'entre elles qui ont développé des solutions pour que les candidats postulent en quelques clics.

ComplémentLa cooptation

Nombreuses sont aussi les startups RH qui ont développé des plateformes de cooptation. Leur principe est toujours le même : tirer parti des réseaux personnels de coopteurs pré-identifiés afin de toucher et de sourcer plus rapidement un spectre plus large de candidats potentiels. En effet, la cooptation est sans doute l'un des leviers le plus puissant de sourcing, qui n'a pas attendu le digital pour se développer. Si vous interrogez des professionnels en place, autour de vous, vous arriverez peut-être aux mêmes chiffres qui ressortent de certaines études : 70 % des personnes embauchées ont été à un moment ou un autre du process de sourcing recommandées par un tiers (qu'il soit interne ou externe à l'entreprise) !

Le principe de ces plateformes de cooptation (exemples : Monkeytie, MyJobCompany, Cooptime ou Keycoopt) est toujours le même :

  • Référencer un réseau de plusieurs milliers de coopteurs,

  • Leur donner accès à des offres d'emploi,

  • Récompenser ces sourceurs quand l'un de leurs candidats a été effectivement recruté.