Vous êtes directeur de la communication d'une grande entreprise. Votre directeur général sollicite votre conseil. En effet, l'entreprise est sollicitée pour être mécène d'une exposition mettant en avant le travail de l'affichiste Shepard Fairy.

QUI EST SHEPARD FAIREY, LE STREET-ARTISTE ENGAGÉ DERRIÈRE LA CÉLÈBRE AFFICHE « HOPE » D'OBAMA ?

Article de Marion Jaumotte, publié le lundi 08 juillet 2019 à 16 h 35 sur le site de la RTBF.

« Son affiche « Hope » de Barack Obama a fait le tour du monde, Emmanuel Macron a accroché sa représentation de « Liberté, Égalité, Fraternité » dans son bureau. On vous dresse le portrait de Shepard Fairey, street-artiste américain engagé.

Réalisée lors de la candidature de Barack Obama à l'élection présidentielle de 2008, l'affiche « Hope » est sans doute l'une des plus célèbres de Shepard Fairey, aussi connu sous le pseudonyme « OBEY ».

L'utilisation du mot « OBEY », que l'on peut traduire par « OBÉIS », dans son travail et comme pseudonyme, est directement inspiré du film "Invasion Los Angeles" de John Carpenter. Lorsque Shepard Fairey a vu ce mot écrit en capitales dans le film, il s'est rendu compte que c'était un mot très visuel qu'il pouvait facilement utiliser dans son art. « Les gens se soumettent, se conforment et ne se posent pas de questions par rapport aux règles tacites de la société. Quand on leur dit d'obéir, ils sont obligés de réfléchir à quoi ils veulent bien se soumettre. C'est donc un moyen d'encourager les gens à plus réfléchir et à analyser les choses » explique l'artiste au micro de France 5.

Il est l'un des street-artistes les plus influents au monde. Dans son travail, on retrouve des influences pop et un esthétisme rétro. Shepard Fairey s'inspire des constructivistes russes qui ont créé les codes de la propagande soviétique : « J'appelle mon art de la propagande, car je pense que tout art qui défend des objectifs précis contient des éléments de propagande. Il existe une différence entre la propagande dans le sens sinistre du terme, qui veut avoir le dernier mot dans une conversation et l'art qui a pour but d'ouvrir une conversation ! »

Shepard Fairey a de nouveau témoigné de son engagement dans son art lors de l'investiture de Donald Trump. L'artiste a repris les codes de l'affiche de Barack Obama pour en faire une série représentant le peuple d'Amérique intitulée « We, the people ». Cette série a été considérée comme étant un acte militant pour protester contre l'arrivée de Donald Trump au pouvoir. L'actuel Président des États-Unis a d'ailleurs eu droit à son affiche personnalisée : « J'ai fait une affiche pour Trump qui était composée juste de son nez, sa bouche grimaçante et sa cravate rouge. Il ressemblait à Big Brother dans « 1984 », qui est le dictateur qu'il aspire à être. Il ne veut répondre à personne, il veut juste faire ce qui gonfle son ego » explique Shepard Fairey au micro de BRUT.

Le 22 juin dernier, Shepard Fairey a été invité à rencontrer Emmanuel Macron qui a accroché l'une de ses œuvres dans son bureau à l'Élysée. « Je l'ai faite comme marque de soutien à la France après les attentats du 13 novembre. « Liberté, Égalité, Fraternité » a plus été faite pour le peuple français que pour n'importe quel politicien, alors j'espère qu'il incarne cette idée, qu'il s'agit d'un symbole pour faire le bien pour tout le monde, tous les citoyens. »

Liberté, égalité, fraternité ; Obey ; We the people ; crédit Shepard Fairey

Question

À la lecture de cet article, quelles inspirations de l'artiste identifiez-vous ?

Solution

Les inspirations dont parle l'artiste sont les suivantes : le street-art, les influences pop, l'esthétisme rétro, le constructivisme russe, la propagande soviétique et 1984 de George Orwell.

Le street art[1] est défini comme un mouvement artistique et un mode d'expression artistique de la fin du XXe siècle qui regroupe des formes d'art[2] réalisées dans l'espace public, et englobe diverses techniques telles que le graffiti, le pochoir, la mosaïque, le sticker, l'affichage, le collage, la réclame ou des installations15. C'est principalement un art éphémère vu par un large public.

La culture pop ou pop culture « représente une forme de culture dont la principale caractéristique est d'être produite et appréciée par le plus grand nombre, à l'opposé d'une culture élitiste ou avant-gardiste qui ne toucherait qu'une partie aisée et/ou instruite de la population » John Storey, Cultural Theory and Popular Culture : An Introduction, Pearson Education, 2006.

L'esthétisme rétro désigne l'utilisation de codes culturels passés, où ce passé est considéré comme une référence valorisable.

Le constructivisme russe est défini par le dictionnaire Larousse comme un « mouvement artistique russe, qui reçut sa dénomination en 1920 et connut divers prolongements dans l'art européen ». Il est caractérisé par l'utilisation de formes géométriques simples.

La propagande est définie par le dictionnaire CNRTL comme :

  • Action psychologique qui met en œuvre tous les moyens d'information pour propager une doctrine, créer un mouvement d'opinion et susciter une décision.

  • Action qui a pour but de provoquer le succès d'une théorie, d'une idée, d'une œuvre, d'un homme en dehors de tout souci lucratif.

1984 de George Orwell est un roman dystopique décrivant un futur dans lequel un régime totalitaire a mis la société sous surveillance et annihilé la liberté d'expression.

Question

Selon vous, quels sont les potentiels bénéfices et risques à associer le nom de votre entreprise à cet artiste dans une opération de mécénat ?

Solution

Associer le nom et le travail d'un artiste reconnu et engagé peut avoir des atouts, mais aussi se révéler risqué pour une entreprise. En effet, toute entreprise qui souhaite s'associer à une organisation ou soutenir une personnalité doit avant tout vérifier la cohérence de valeurs entre l'ensemble des parties prenantes.

Les bénéfices qu'il y aurait à collaborer avec un artiste comme Shepard Fairey sont de :

  • Profiter de sa notoriété pour toucher des cibles jeunes.

  • Associer son image à un artiste engagé.

  • Positionner l'image de son entreprise dans la ligne des valeurs défendues par l'artiste.

Une collaboration comporte aussi des risques. En effet, les inspirations de l'artiste font référence à des courants totalitaires de l'histoire (le constructivisme et la propagande) et également à leur critique. La culture pop quant à elle est un mouvement de réappropriation de l'esthétique marketing et publicitaire pour en faire des objets culturels. Il y a ici un mélange de codes qui esthétisent des formes de domination et de soumission politiques et consuméristes, tout en les dénonçant, et en faisant commerce de cette dénonciation avec les œuvres qu'il vend. L'artiste semble faire « feu de tout bois » en mélangeant des références, mais sans pour autant mettre en cohérence les dérives qu'il met en scène dans son travail avec sa posture professionnelle. Cette confusion peut s'avérer préjudiciable pour l'entreprise dans la mesure où elle se positionnerait aux côtés d'une démarche peinant à définir ses cadres éthiques et moraux.