Régularisations du droit à déduction

Logique de la régularisation

Respect de la neutralité de la taxe à paiements différés

La définition du droit à déduction qui a fait l'objet de la partie « Quotité déductible : coefficient de déduction » du présent cours a mis l'accent sur une relation très stricte unissant le quantum du droit à déduction en amont, à la base soumise à TVA collectée en aval :

  • Une 1ère série de restrictions a eu pour but de limiter la TVA déductible chaque fois que l'usage du bien ou du service s'écarte de l'assujettissement de l'impôt (coefficient d'assujettissement).

Rappel

Un coefficient d'assujettissement égal à zéro ferme définitivement tout droit à déduction pour l'entreprise.

  • Une 2nde série réduisit de même les droits à déduction à l'intérieur du champ d'application, s'ils contribuaient à la réalisation d'activités exonérées exclues de droit à déduction (coefficient de taxation).

  • Une dernière, enfin, pénalise certains biens ou certains services particuliers (coefficient d'admissibilité).

Les sécurités mises en place par l'installation de ce triple verrou pouvaient laisser à penser qu'une fois encadrée, la déduction pratiquée acquiert un caractère définitif. Mais tel n'est pas le cas.

En effet, même si la déduction pratiquée est étroitement réglementée, elle demeure la photographie d'une situation donnée, figée à un temps T. Or cette situation peut évoluer par la suite, entraînant une régularisation à la hausse ou à la baisse de la TVA déduite :

  • Pour un bien non immobilisé ou un service à usage mixte, à court terme en principe

  • Pour une immobilisation à usage mixte, à plus long terme

Complément

Les régularisations dont traite la partie « Régularisations du droit à déduction » sont différentes des différences entre calculs provisoires puis définitifs des coefficients d'assujettissement et de taxation étudiés dans la partie « Quotité déductible : coefficient de déduction ».

Cette double liquidation n'est que la résultante d'une obligation déclarative intervenant au cours d'une année alors que les données chiffrées sur lesquelles reposent les coefficients, ne sont pas encore connues. Cet impératif nécessite une fixation d'abord provisoire du coefficient déduction lors de la déclaration, puis définitive, une fois connus les chiffres relatifs à la période annuelle.

Mais ces calculs ne prennent pas en compte le fait qu'un bien ou qu'un service précis, dont la déduction a été pratiquée avec pondération établie à un moment donné, voit son utilisation modifiée postérieurement. C'est donc le rôle des régularisations.

Notion de durée d'utilisation d'un bien ou service

C'est l'introduction du facteur temps qui nécessite l'intégration des régularisations dans la construction de la TVA, et ce quel que soit le sens de la variation constatée.

Intuitivement, on accordera plus facilement la notion de durée avec celle d'immobilisation, puisque les biens répertoriés ont pour vocation de subsister dans l'entreprise sur plusieurs cycles économiques.

Cela peut paraître moins net au contraire, lorsqu'elle est rapprochée de celle des services ou de celle de biens non immobilisables.

En effet, ces biens ou services sont voués en principe à une consommation rapide. Toutefois, il se peut par exemple, qu'un bien acquis en octobre de l'année N, qui a donné lieu à déduction de taxe, se retrouve stocké au 31 décembre.

Les conditions de son utilisation en N+1 peuvent alors se révéler très différentes de celles qui ont donné lieu au calcul du quantum de déduction.

Régularisation concernant les immobilisations

Durée de vie du bien immobilisé

Principe applicable

La déduction de la TVA grevant une immobilisation est pratiquée dès la délivrance du bien, quelle qu'en soit la nature.

Il n'existe pas comme en droit comptable de système d'amortissement échelonnant la déduction sur la durée de vie du bien.

Néanmoins, l'acquisition du bien a pour contrepartie l'utilisation durable dans l'entreprise, il en résulte que cette TVA, une fois déduite, est susceptible de régularisation pendant un certain temps.

La période de régularisation potentielle est fixée sur un mode forfaitaire à :

  • 5 ans pour un bien meuble corporel

  • 20 ans pour un bien immeuble

L'année d'acquisition entre dans le calcul du délai de régularisation et compte pour 1 quelle que soit la date de l'acquisition dans l'année.

Remarque

Ainsi, qu'une machine-outil soit acquise le 04 janvier 2020 ou le 19 décembre 2020, une régularisation restera possible pour ce bien immobilisé jusqu'au 31 décembre 2024.

Précision sur notion de biens immobilisés

Immobilisations comptabilisables :

  • Petites immobilisations en charge

Pour se mettre en harmonie avec les règles des immobilisations régissant l'impôt sur les bénéfices (règles BIC), les acquisitions de biens destinés à être conservés durablement, mais ne dépassant pas 500 € HT et concernant du matériel, outillage, matériels de bureau, sont considérées comme relatives à des biens autres que des immobilisations lorsque ces biens sont directement passés en charge.

  • Cas des agencements

Alors que les travaux d'agrandissement ou d'amélioration sont inclus dans la notion d'immeuble, les agencements commerciaux sont considérés comme biens non immeubles.

Queues de programme immobiliers :

Un immeuble construit et initialement destiné à être revendu, s'il est conservé en stock au-delà du 31 décembre de la 2ème année suivant son achèvement, entre dans le régime des régularisations sur immobilisations à partir de cette date.

Le délai de régularisation débute le 1er janvier de l'année suivante (20 ans).

Mécanisme de la régularisation

Supports de la régularisation

TVA grevant le bien :

La TVA « initiale » est la TVA figurant sur le document justificatif : sur la facture, sur le document d'importation, ou sur la déclaration lors de l'autoliquidation. Donc elle correspond à la TVA facturée.

Coefficient de référence :

Le « coefficient de référence » est le coefficient de déduction global qui est appliqué au bien au cours de l'année de son acquisition donc il correspond au coefficient de déduction définitif.

Il est constitué, rappelons-le, de 3 coefficients secondaires :

  • Le coefficient d'assujettissement de référence

  • Le coefficient de taxation de référence

  • Et le coefficient d'admission de référence

TVA initialement déduite :

La TVA initialement déduite est le produit de la TVA facturée par le coefficient de référence. Lorsque celui-ci est égal à 1, la TVA initialement déduite est égale à la TVA facturée.

Catégories de régularisations

Il existe 2 catégories de régularisations :

  • Les régularisations dites « annuelles », qui sont la conséquence d'une modification temporaire des conditions d'utilisation du bien, applicable seulement pour l'année considérée,

  • Les régularisations dites « globales » qui prennent en compte une modification des conditions d'utilisation du bien, pour la durée restant à courir dans la période de régularisation.

Ce 2nd type de régularisation n'est applicable que dans 6 cas bien particuliers regroupés en 4 catégories.

Régularisation lors du changement de propriétaire du bien immobilisé :

  • Cession ou apport non soumis à la TVA sur le prix total en présence d'une déduction initiale

  • Cession ou apport soumis à TVA sur prix total sur biens avec déduction initiale partielle ou nulle

Régularisation lors d'une opération assimilée au changement de propriétés :

  • Transfert entre secteurs d'activités dans l'entreprise

Régularisation accompagnant un changement radical d'utilisation dans l'entreprise :

  • Biens devenant utilisés à des opérations ouvrant droit à déduction

  • Biens cessant d'être utilisés à des opérations ouvrant droit à déduction

Régularisation relative à un changement de la loi fiscale concernant le bien :

  • Modification juridique des règles d'admissibilité

Régularisation annuelle

La régularisation ne porte que sur les dépenses mixtes des immobilisations, celles dont la TVA est partiellement déduite lors de l'acquisition des immobilisations.

Conditions de la régularisation annuelle

Une régularisation annuelle doit être effectuée uniquement :

  • Dans le délai de régularisation (5 ans pour un bien meuble et 20 ans pour un bien immeuble),

  • Lorsque l'écart entre le produit des coefficients d'assujettissement et de taxation de l'année de régularisation et le produit des coefficients d'assujettissement et de taxation de l'année de référence (année d'acquisition du bien) est supérieure à 1/10.

Dans le cas où une des conditions venait à faire défaut, il n'y a aucune régularisation à effectuer.

Suivant les cas, la régularisation aura la nature d'un reversement de TVA (en cas de baisse) ou d'un complément de droit à déduction (en cas de hausse).

La régularisation n'a lieu que si la variation dépasse le seuil de 10 % en valeur absolue (et non en pourcentage de la valeur de référence).

Ce seuil est calculé avec le produit arrondi des coefficients d'assujettissement et des coefficients de taxation.

Complément

Coefficient d'assujettissement de l'année * coefficient de taxation de l'année = CA

Coefficient d'assujettissement de référence * coefficient de taxation de référence = CR

- 0,10 < CA - CR > + 0,10

Le coefficient d'admission ne rentre pas en compte pour le calcul de cette différence.

Chaque coefficient est arrondi (2nde décimale supérieure), mais le produit des coefficients ne l'est pas pour pouvoir apprécier le seuil des 10 % en valeur absolue.

Remarque

Une régularisation annuelle intervenant au cours d'une 1ère année d'utilisation est calculée à partir du coefficient de référence provisoire appliqué lors de l'acquisition du bien.

À partir de la 2nde année, ce sont les coefficients définitifs de l'année d'acquisition qui servent de coefficients de référence.

Sur le plan comptable, toutes les régularisations annuelles passent par des pertes ou des profits exceptionnels.

Forme de la régularisation annuelle

Elle dépend de la période de régularisation potentielle du bien immobilisé et ne concerne qu'une année.

Biens meubles :

Biens immeubles :

Exemple

Le bâtiment du siège social de la société KAPITAL est utilisé à la fois :

  • Pour l'activité principale de l'entreprise, imposable à la TVA ;

  • Pour une activité de location nue exonérée ;

  • Pour la gestion financière de titres négociables, activité hors champ d'application.

Il a été acquis neuf en 2016, pour 750 000 € HT, générant une TVA initiale de 150 000 € (20 %).

Le coefficient de déduction de référence s'élève à 0,86 (0,90 * 0,95 * 1 = 0,855 arrondi à 0, 86).

Il se compose de :

  • Coefficient d'assujettissement : 0,8981 arrondi à 0,90 (pour gestion financière hors champ).

  • Coefficient de taxation : 0,9435 arrondi à 0,95 (pour gestion immobilière exonérée).

  • Coefficient d'admissibilité : 1.

TVA initialement déduite : 150 000 € * 0,86 = 129 000 €.

De 2010 à 2014 inclus, les variations des 2 premiers coefficients n'ont jamais généré de différence supérieure à 10 % en valeur absolue dans leur produit. Aucune régularisation annuelle n'a donc été pratiquée.

Les conditions particulières à l'année 2021 dégagent un coefficient de déduction annuel de : 0,96 en raison de la modification des coefficients particuliers :

  • Coefficient d'assujettissement : 0,963 arrondi à 0,97.

  • Coefficient de taxation : 0,981 arrondi à 0,99.

  • Coefficient d'admissibilité : 1.

L'examen du seuil de 10 % doit s'exécuter ainsi :

  • En référence : 0,90 * 0,95 = 0,855 (ne pas arrondir ce premier terme de comparaison).

  • Sur l'année : 0,97 * 0, 99 = 0,9603 (ne pas arrondir ce second terme de comparaison).

  • Différence = 0,855 - 0,9603 = 0,1053 donc supérieur à 0,10 en valeur absolue.

Le seuil de 10 % étant franchi, une régularisation doit être effectuée.

Elle se traduira dans cet exemple par un complément de TVA déductible :

→ 150 000 € * (0,97 - 0,86 : différence des coefficients globaux) = 16 500 €.

Cette somme est rapportée à l'année 2021 sur les 20 ans représentant la période de régularisation pour un bien immeuble :

  • Régularisation : 16 500 / 20 = 825 €

Modalités de la régularisation

Qu'il s'agisse d'un reversement ou d'une déduction complémentaire, la régularisation annuelle s'effectue :

  • Sur CA3 avant le 25 avril N+1, donc au plus tard sur CA3 du 1er trimestre ou du mois de mars N+1 (déposé entre le 15 et le 25 avril).

  • Ou sur CA-12E de l'année concernée pour les entreprises relevant du RSI.

Régularisation globale

Cette fois, il ne s'agit plus de modifier la situation d'une année précise, mais de tirer les conséquences d'un changement considéré comme durable dans la vie du bien d'un des coefficients secondaires.

Les modifications se calculent à partir de la totalité des années de régularisation non encore écoulées.

Il n'est pas fait application d'un seuil minimum de régularisation comme c'était le cas pour la régularisation annuelle.

La régularisation a lieu sur CA3 de la période concernée par le changement (mois ou trimestre) en régime réel, ou sur la déclaration CA-12E en RSI.

Remarque

La TVA reversée vient augmenter la valeur d'origine de l'immobilisation et en complément la TVA déduite vient diminuer la valeur d'origine du bien.

Régularisation en cas de transfert de propriété du bien

Cession ou apport non soumis à la TVA sur le prix total :

  • Cas de régularisation relativement rares

Les cessions ou apports en société de biens immobilisés, notamment les biens corporels d'investissement usagés, sont imposables en principe à la TVA sur le prix total de vente.

Sont de plus assimilés à de telles opérations :

  • Les biens exportés, ou livrés sur le territoire communautaire (exonération de TVA)

  • Les biens transmis dans le cadre d'une universalité de bien (dispense de TVA)

Les cas de régularisation ne viseront donc que certaines exceptions de cessions ou apport d'autant que les destructions, mises au rebut, et vols, s'ils sont justifiés (plaintes, déclarations, etc.) permettent d'échapper à la régularisation.

En pratique, la régularisation ne touchera donc que des cessions ou apports concernant certains immeubles qui ont ouvert droit à déduction, même partiel, lors de leur acquisition :

  • Immeubles achevés depuis plus de 5 ans, si l'option pour l'assujettissement de la vente n'a pas été exercée,

  • Cessions de terrains en dehors de celle des terrains à bâtir.

  • Régularisation sous forme d'un reversement de TVA

Analyse

La cession de l'immeuble étant exonérée de TVA, l'administration demande au cédant de lui restituer sous forme de reversement une partie de la TVA qui avait été déduite lors de son acquisition. La restitution de la TVA déduite n'est pas totale mais uniquement en fonction du nombre d'années non utilisées par le cédant dans un délai de régularisation de 20 ans.

Le calcul revient à prendre pour hypothèse que le bien est utilisé par l'entreprise pour une activité exonérée à partir de l'année de l'événement, soit avec un coefficient de taxation égal à zéro.

Donc le calcul de la régularisation aboutira automatiquement à un reversement de TVA déductible.

  • Transfert des droits à déduction au nouveau propriétaire

Si le bien cédé ou apporté est également une immobilisation pour le nouveau détenteur assujetti, cette régularisation lui ouvre un droit à déduction égal à la fraction suivante :

Le cédant ou l'apporteur lui délivre un document précisant expressément le montant de la taxe, ou intègre les éléments nécessaires à la facture de cession (date acquisition, date cession et montant de la taxe transmise).

Ce montant est alors soumis aux coefficients de déduction du nouveau propriétaire, et ouvre une nouvelle période de régularisation (20 ans pour le cas des immeubles, 5 ans dans le cas contraire).

Exemple

Si la société KAPITAL revend son immeuble en 2024, donc plus de 5 ans après l'achèvement de l'immeuble. Le cédant applique le régime de droit commun, c'est-à-dire l'exonération de TVA sur le prix de cession. L'entreprise cédante devra pratiquer une régularisation sous forme d'un reversement égal à → TVA initialement déduite = 150 000 € * 0,86 = 129 000€.

Nombre d'années utilisées = 9 ans (de 2016 à 2024)

Nombre d'années restant à courir sur la période → 20 - 9 = 11

(Période de régularisation déjà utilisée = année d'acquisition + les 8 suivantes)

Reversement = 150 000 * (0 - 0,86) * 11/20 =70 950 € (attention le reversement n'est pas identique au transfert des droits à déduction chaque fois que le coefficient de référence est différent de 1)

L'acquéreur de l'immeuble, s'il est assujetti, et si ce bien représente pour lui une immobilisation, bénéficie d'un droit à déduction égal au montant de la régularisation.

Transfert du droit à déduction : 150 000 * 11/20 = 82 500 € (à formaliser sur document spécifique ou sur l'acte). Ce droit à déduction est soumis aux conditions particulières d'utilisation du bien chez cet acheteur. Il fait courir une nouvelle période de régularisation de 20 ans.

  • Cession ou apport soumis à la TVA sur le prix total

Cas de régularisation courants

La cession ou l'apport en société est soumis à la TVA sur la valeur totale, alors que le bien n'avait pas ouvert droit à déduction totale à l'origine.

Le champ d'application de cette régularisation est bien plus large que celui de la précédente, et concerne la majorité des immeubles, mais aussi tous les biens mobiliers d'investissement usagés.

Sont de plus assimilés à de telles opérations :

  • Les biens exportés ou livrés sur le territoire communautaire (exonération TVA)

  • Les biens transmis dans le cadre d'une universalité de bien (dispense TVA)

Remarque

Si le bien lors de son acquisition a été affecté d'un coefficient d'assujettissement égal à zéro, il perd définitivement droit à toute régularisation.

Régularisation sous forme de déduction complémentaire

Analyse

Lorsque le bien immobilisé ouvre droit à déduction même partielle, la cession est soumise à la TVA. L'administration autorise le cédant à récupérer la TVA non déductible lors de l'acquisition en fonction du nombre d'années d'utilisation du bien dans un délai de régularisation de 5 ans pour un bien meuble et 20 ans pour un bien immeuble. Cette remise en cause du droit à déduction au moment de la cession se traduit par un complément de déduction.

Elle consiste à l'inverse du cas précédent, à considérer que le bien est utilisé fictivement en totalité pour des opérations taxables jusqu'à la fin de la période de régularisation.

Ceci induit automatiquement un complément de TVA à déduire, sur la base d'un coefficient de déduction = 1 (soit 1 * 1 * 1).

Exemple

Si la société KAPITAL revend son immeuble en 2024, donc plus de 5 ans après son achèvement, l'entreprise KAPITAL cédante opte pour la taxation de la TVA sur le prix de cession. Elle bénéficiera d'une régularisation sous forme d'un complément de TVA déductible.

TVA initialement déduite = 150 000 € * 0,86 = 129 000 €

Nombre d'années restant à courir sur la période : 20 - 9 = 11

(Période de régularisation déjà utilisée = année d'acquisition + les 8 suivantes)

Déduction complémentaire = 150 000 * (1 - 0,86) * 11/20 = 11 550 €

La TVA mentionnée dans l'acte de cession sera la base de la déduction chez l'acquéreur s'il est assujetti et si le bien a pour lui le caractère d'un immeuble.

Une nouvelle période de régularisation de 20 ans s'ouvre alors pour l'immeuble chez son nouveau propriétaire.

RemarqueCas des biens mobiliers exclus du droit à déduction

En principe, la cession d'un bien mobilier qui est exclu du droit à déduction est exonérée de TVA. Cependant, lorsque la cession est réalisée auprès d'un négociant en bien d'occasion, le cédant choisit, comme il en a le droit de la soumettre à la TVA. Une fois cette condition réalisée, le cédant peut prétendre à une remise en cause du droit à déduction se traduisant par un complément de déduction.

Régularisation en cas de transfert de biens entre secteurs d'activité

L'entreprise a constitué des secteurs distincts d'activité (cf. partie « Quotité déductible : coefficient de déduction », sous-partie « Coefficient de taxation d'un bien ou service », sous-sous-partie « Calcul du coefficient en présence de secteurs distincts d'activité »).

Lorsqu'elle change d'affectation une immobilisation, ceci représente un transfert entre secteurs d'activité et emporte des conséquences identiques à celles d'une cession non soumise à la TVA, assortie d'un éventuel transfert de droit à déduction au profit du secteur ‘activité “d'arrivée” c'est-à-dire :

  • Régularisation globale avec reversement si le bien est issu d'un secteur dans lequel il avait ouvert droit à déduction totale ou partielle (pas de reversement si déduction initiale nulle) :

  • Transfert du droit à déduction au profit du nouveau secteur, servant de base à l'application du coefficient de déduction du secteur, avec ouverture d'une nouvelle période de régularisation, si le bien transféré est une immobilisation dans ce nouveau secteur :

Exemple

Une société a constitué 2 secteurs d'activité, l'un (secteur A) à coefficient de taxation de 0,80, l'autre (secteur B) à coefficient de taxation de 0,35.

Un fourgon (véhicule non visé par une mesure de restriction d'admissibilité) acquis en N, a été affecté au secteur B, lors de son achat : 20 000 € HT avec 4 000 € de taxe facturée.

Lors de l'acquisition, le coefficient applicable au secteur était de 0,35, soit assujettissement 1, taxation 0,35 et admission 1 :

→ 1 * 0,35 * 1 = 0,35

TVA initialement déduite dans le secteur B = 4 000 * 0,35 = 1 400 €

À la fin de l'année N+2, le fourgon devient réservé au transport des marchandises du secteur A.

Le reversement dans le secteur B se calcule comme suit : 1 400 x 2/5 = 560

Le transfert des droits à déduction au profit du secteur A se calcule comme suit : 4 000 x 2/5 = 1 600

Le bien étant immobilisé dans ce nouveau secteur, il ouvrira droit à déduction en fonction du coefficient du secteur qui deviendra le coefficient de référence pour le bien : 1 600 * 0,80 = 1 280 €.

La période de régularisation est à nouveau de 5 ans, comme dans le cas d'une cession du bien.

Rappel

Si le bien immobilisé était affecté d'un coefficient d'assujettissement de zéro lors de son acquisition, aucune régularisation ne peut être effectuée et la déduction de TVA est définitivement perdue pour l'entreprise.

Régularisation en cas de biens changeant radicalement d'utilisation

Dans ces 2 cas visés par ce 3ème groupe d'événements, le bien ne change pas de patrimoine et les régularisations n'entraînent ni transfert de droits à déduction ni création d'une nouvelle période de régularisation.

Seules les modifications des changements de coefficients globaux de déduction résultant de la modification du coefficient de taxation sont à prendre en compte et génèrent selon les cas de reversement ou de déduction complémentaire de taxe.

Mais cette situation nouvelle, une fois corrigée par le biais de la régularisation, fige un nouveau coefficient de référence applicable à la période de régularisation restant à courir, notamment pour le calcul d'éventuelles régularisations annuelles.

Rappel

Si le bien immobilisé était affecté d'un coefficient d'assujettissement de zéro lors de son acquisition, aucune régularisation ne peut être effectuée et la déduction de TVA est définitivement perdue pour l'entreprise.

2 cas de figure uniques sont visés par ces dispositions :

  • Soit :

    • Situation de référence : coefficient de taxation = 0

    • Situation nouvelle : coefficient de taxation > 0

  • Soit :

    • Situation de référence : coefficient de taxation > 0

    • Situation nouvelle : coefficient de taxation = 0

Rappel

Dans les régularisations ne concernant que des changements d'utilisation du bien, il n'existe de régularisation globale que si le coefficient de taxation de référence ou le coefficient de taxation de l'année considérée sont égaux à zéro.

Biens devenant utilisés pour des opérations ouvrant droit à déduction :

L'opération se traduit par une déduction complémentaire.

Exemple

M. DUPONT, exerçant une activité exonérée de TVA réalise en N l'acquisition d'un immeuble pour 500 000 € HT et 100 000 € de TVA au taux de 20 %.

Cet immeuble est affecté pour 25 % à sa résidence personnelle, et à 75 % à son activité professionnelle. Le coefficient d'admission de l'immeuble est par ailleurs = 1. Donc le CDE = 0.75 * 0 * 1 = 0

TVA initialement déduite = 100 000 € * 0 = 0

Fin N+3, il débute une activité complémentaire taxable à la TVA. Ainsi son coefficient de taxation passe de 0 à 0,50. Son coefficient global de déduction devient : 0,75 * 0,50 * 1 = 0,375 arrondi à 0,38

Régularisation : [100 000 * (0,38 - 0)] * 16 / 20 = 30 400 €. Il s'agit d'une déduction complémentaire.

Le coefficient de référence du bien devient : 0,38. Mais il n'y a ni changement de propriétaire ni changement de secteur d'activité, la période de déduction n'est donc pas modifiée.

En N+7, l'évolution ponctuelle de son activité imposable à la TVA hisse le coefficient de taxation de l'année à 0,65. Calcul du seuil d'une éventuelle régularisation annuelle :

(0,75 * 0,50) - (0,75 * 0,65) = 0,375 - 0,4875 = 0,1125 soit une variation absolue supérieure à 0,10

La régularisation annuelle est à exécuter (il n'y a de régularisation globale que lorsque le coefficient de déduction passe de 0 à positif et non pour une simple variation du coefficient de taxation dans la zone positive).

La régularisation annuelle est de : 100 000 € * (0,38 - 0,49) / 20 = 550 € .

S'agissant d'une hausse du coefficient de l'année (0,49) par rapport au coefficient de référence (0,38), cette régularisation prend la forme d'un complément de déduction.

Biens cessant d'être utilisés pour des opérations ouvrant droit à déduction :

Il s'agit de la situation inverse dans laquelle l'opération se traduit par un reversement de TVA :

Concernant le nouveau coefficient de référence, 2 cas sont à différencier :

  • Le passage à un coefficient de déduction égal à zéro provient du coefficient de taxation lui-même réduit à zéro (activité exonérée n'ouvrant pas droit à déduction, passage à la franchise en base, etc.). Dans ce cas, le nouveau coefficient de référence (égal à zéro) pourra servir à une nouvelle régularisation, inverse cette fois, du moins dans la période restant à courir.

  • Le passage à un coefficient de déduction égal à zéro provient du coefficient d'assujettissement lui-même réduit à zéro (bien réservé à une utilisation totalement hors champ d'application de la TVA) : cette fois, le bien sort définitivement du domaine de la TVA et cette situation ne permet plus d'envisager de régularisation postérieure.

Exemple

M. DURANT, exerçant une activité dans 2domaines (imposable à la TVA et exonéré de TVA sans option) réalise en N l'acquisition d'un immeuble pour 500 000 € HT et 100 000 € de TVA au taux de 20 %.

Cet immeuble est affecté pour 25 % à sa résidence personnelle, et à 75 % à son activité professionnelle. Le coefficient de taxation de l'année est de 0,60. Le coefficient d'admission de l'immeuble = 1.

Donc le CDE de référence = 0.75 * 0.60 *1 = 0.45

TVA initialement déduite = 100 000 € * 0.45 = 45 000 €

2 possibilités peuvent générer une régularisation globale dans le cadre de ce paragraphe :

  1. Fin N+3, il stoppe l'activité imposable pour se consacrer entièrement à l'activité exonérée, sans avoir exercé son option à la TVA : cas de régularisation globale (de positif à zéro) :

    • Son coefficient de déduction à partir de N+4 devient : (0,75 * 0 * 1) = 0. Toutefois, l'immeuble demeure, pour la partie professionnelle, utilisé pour une activité située dans le champ d'application de la TVA.

    • Le reversement doit se calculer comme suit : (100 000 * [0 - 0,45]) * 16 / 20 = 36 000 €.

    • Le nouveau coefficient de référence applicable au reste de la période de régularisation est de zéro.

    • Si la situation se modifie dans le futur (option à la TVA sur l'activité exonérée, par exemple), ce coefficient de zéro pourra être la base d'une nouvelle régularisation globale, en sens inverse cette fois.

  2. Fin N+3, il maintient son activité à 2 niveaux, mais change de siège social et réserve l'immeuble en totalité à sa résidence personnelle.

    • Son coefficient de déduction à partir de N+4 devient : [0 *0,60 * 1] = 0.

    • Le reversement doit se calculer comme suit : [100 000 * (0 - 0,45)] * 16 / 20 = 36 000 €.

    • Mais le bien est sorti du champ d'application de la TVA.

    • Aucune régularisation postérieure n'est désormais envisageable.

Régularisation en cas de modification des règles d'admissibilité

Cette dernière hypothèse est peu courante. Il concerne des biens immobilisés dont le coefficient d'admission serait modifié à la suite d'une décision législative ou réglementaire.

La conséquence de cette modification serait suivant les cas une déduction complémentaire ou un reversement de taxe.

Tableau récapitulatif des cas de régularisations globales

Cessions ou apports imposés totalement

Cessions ou apports non imposés totalement

Transfert entre secteurs d'activité

Utilisation sortant de la TVA

Utilisation entrant sous TVA

Changement de règles d'admission

Situation à l'acquisition du bien

Déduction TVA nulle (coefficient de taxation = 0) ou partielle

Déduction TVA totale ou partielle

Déduction TVA totale, partielle ou même nulle suivant le coefficient du secteur

Déduction TVA totale ou partielle

Déduction TVA nulle (coefficient de taxation = 0)

Déduction suivant application loi ancienne

Coefficient assujettissement pour calcul de la régularisation

1

Inchangé

Inchangé

Inchangé

Inchangé

Inchangé

Coefficient taxation pour calcul de la régularisation

1

0

0

(il s'agit du secteur de départ)

0

>0

Inchangé

Coefficient admission pour calcul de la régularisation

1

Inchangé

Inchangé

Inchangé

Inchangé

Modifié suivant la loi nouvelle

Sens de la régularisation

Déduction complémentaire de TVA

Reversement de TVA

Reversement de TVA dans le secteur quitté par l'immobilisation

Reversement de TVA

Déduction complémentaire de TVA

Suivant le sens de la loi nouvelle

Nouveau coefficient de référence

Non puisque le bien sort de l'actif de l'entreprise

Non puisque le bien sort de l'actif de l'entreprise

Oui, celui du nouveau secteur

Oui,

égal à zéro

Oui,

positif

Suivant la nouvelle loi

Situation chez le cessionnaire ou dans le nouveau secteur

Déduction possible de la TVA sur facture ou acte. Nouvelle période de régularisation si immobilisation.

Transfert de droit à déduction. Nouvelle période de régularisation si immobilisation

Transfert du droit à déduction et nouvelle période de régularisation dans le nouveau secteur

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Lien entre régularisations globales et régularisations annuelles

Dans le paragraphe précédent « Régularisation globale », il a été acté que la régularisation globale prenait effet à partir de l'année suivant celle au cours de laquelle l'événement motivant la régularisation globale intervient.

Qu'en est-il de l'année même de l'événement ?

Aucune régularisation annuelle n'est susceptible d'intervenir au cours de l'année d'une modification globale, lorsque la modification globale concerne un bien qui demeure dans l'entreprise.

Régularisations concernant des biens autres que les immobilisations, et des services

Les mesures de régularisation sont moins courantes, et plus simples que celles visant les immobilisations, et concernent essentiellement les biens.

Remarque

Contrairement à ce qui vient d'être décrit pour les immobilisations, il n'existe pas de limites dans le temps pour les régularisations sur biens autres que les immobilisations, ou sur services.

Régularisations concernant les biens autres que les immobilisations

Biens nouvellement utilisés pour opérations hors droits à déduction

Le bien a donné lieu à déduction initiale. Par la suite, sans pour autant changer d'affectation, le bien est utilisé pour une opération non soumise à TVA.

Passage à la franchise en base :

Une entreprise d'achat-revente est imposée suivant le système du RSI ou de la RN, elle bénéficie donc des droits à déduction concernant les biens acquis.

Lorsque son chiffre d'affaires s'abaisse et répond aux conditions d'application de la franchise en base, l'entreprise quitte l'imposition à la TVA au 1er janvier suivant.

Or à cette date, elle conserve en stock des biens qui ont bénéficié de la déduction de la TVA correspondante, alors que la revente de ces biens se fera sous le régime de la franchise en base.

La régularisation de la TVA, qui se traduira ici par un reversement, sera effectuée par l'entreprise sur la dernière déclaration déposée (au titre du mois de décembre si elle était imposée sous le régime de la RN, ou bien CA-12E si elle relevait du régime RSI).

Prélèvements au profit du chef d'entreprise :

Quelle que soit l'activité de l'entreprise, les prélèvements courants de biens, sur stocks (nourriture de sa famille dans la restauration, par exemple), effectués par le chef d'entreprise individuelle, ne donnent pas lieu, par exception, à livraison à soi-même.

Aussi c'est par la voie d'une régularisation sur TVA déductible que l'équilibre sera rétabli. Cette régularisation est en principe calculée sur le mode réel.

Prélèvement au profit du personnel de l'entreprise :

Dans le cas où l'entreprise assure la restauration de son personnel (elle le nourrit gratuitement), une régularisation identique doit être effectuée.

Elle peut être calculée de façon réelle ou bénéficier d'une évaluation forfaitaire (pour 2020 : 4,90 € par repas) sur la base du calcul des cotisations de sécurité sociale, en affectant, suivant la doctrine administrative, 15 % de la base au taux normal et 85 % au taux réduit (produits solides destinés à l'alimentation humaine).

Les autres prélèvements opérés pour les besoins du personnel donnent lieu obligatoirement à imposition des livraisons à soi-même.

Biens nouvellement utilisés pour opérations ouvrant droit à déduction

Changement d'utilisation d'un bien :

Il s'agit de biens, initialement affectés à des opérations exonérées n'ouvrant pas droit à déduction, qui sont utilisés désormais également à une activité taxable.

La taxe initiale qu'a supportée l'acquisition du bien (et affectée à cette occasion d'un coefficient de taxation égal à zéro), ouvre droit à déduction dans les conditions dictées par le calcul du nouveau coefficient de déduction.

Nouveaux redevables :

De la même façon, une entreprise exonérée de TVA sans droit à déduction est en droit de procéder à une régularisation sur stock si elle utilise tout ou partie de ce stock à des opérations taxables.

Disparition de biens

Principe :

Enfin, lorsqu'un bien disparaît avant d'avoir été utilisé, la TVA qui a été déduite lors de son acquisition doit faire l'objet d'une régularisation par l'entreprise propriétaire du bien.

Cette règle comporte plusieurs exceptions.

Exceptions :

3 cas dans lesquels la régularisation n'est pas nécessaire malgré la disparition du bien :

  • Destruction justifiée

  • Vol, détournement justifié (y compris « démarque inconnue » dans les grandes surfaces)

  • Perte justifiée de marchandises propre à la réalisation de certaines activités

Régularisations concernant les services

Lorsque le service est utilisé pour une opération non soumise à TVA, la taxe doit être régularisée si elle a fait l'objet d'une déduction initiale.

Ce cas de figure est assez rare et ne couvre en principe que des espèces dans lesquelles l'exigibilité de la TVA (encaissement) a généré une TVA déductible alors que la décision d'affecter ce service à une partie de l'activité de l'entreprise non soumise à TVA n'avait pas encore été prise.

Mais il est nécessaire de rappeler que la livraison de biens meubles incorporels dans certaines circonstances (logiciels télétransmis par exemple) est considérée comme prestation de service.

Rappel

Il est rappelé que lorsque le service est utilisé pour des besoins autres que ceux de l'entreprise, c'est par le biais de la livraison à soi-même dont la déduction ne sera pas autorisée, que l'équilibre se réalise et non par celui d'une régularisation de la TVA déductible.