Évaluer la faisabilité économique

Notions de tâche et de charge pour déterminer les coûts et les délais

La faisabilité économique, ce sera votre capacité à prendre en charge financièrement le déroulement du projet. Vous chercherez en fait à savoir si vous avez réellement les moyens de vos ambitions. Pour pouvoir l'évaluer, il va nous falloir définir le coût du projet.

Avant de parler d'argent, définissions quatre notions importantes qui nous seront utiles afin de définir notre budget et par la suite notre planning : nous allons voir ce que sont une tâche, une charge, un coût et un délai dans le contexte de nos projets.

Tâche

Une tâche définit le travail à réaliser.

Elle représente ce qu'il y a à faire, de manière précise et limitée, par un ou plusieurs acteurs spécifiques, pour aboutir à un livrable. Une tâche est une unité de production cohérente : on ne pourra pas la décomposer en d'autres tâches.

Une tâche, en tant que série d'actions à effectuer, doit toujours être décrite par un verbe. Cela contribuera à sa précision et à sa bonne compréhension. Vous ne désignerez donc pas une tâche par « écrans masters » par exemple : il s'agit de quoi ? Leur réalisation ? leur modification ? Leur présentation au commanditaire ?

Ajouter un verbe ou indiquer une action élimine toute ambiguïté : « Réalisation des écrans masters (3) », indiquera qu'il s'agit bien de la production concrète de ces écrans et le chiffre « 3 » entre parenthèses précise que cette tâche sera à accomplir 3 fois, car trois types de pages différents sont prévus dans mon projet.

Exemple

« Faire la création » pour un site Web n'est pas une tâche, mais une étape du projet. Dans cette étape, on trouvera plusieurs tâches à accomplir :

  • Réalisation d'un mood board pour présenter l'intention créative,

  • Conception des parcours utilisateurs,

  • Conception des écrans masters (3) – vous pourrez dire aussi « gabarits » ou « pages types »,

  • Création graphique des écrans masters (3),

  • Etc.

Les éléments présents dans la note de cadrage, le macro-planning et la synthèse budgétaire en particulier, vous guideront dans l'identification des tâches de votre projet.

Charge

La charge représente la quantité d'effort nécessaire pour accomplir une tâche.

Comme toutes les tâches ne pourront pas être réalisées par les mêmes acteurs, on exprimera la charge de chaque tâche en jours-personnes (j/p), c'est-à-dire en nombre de jours par expertise. Dans un budget, vous indiquerez donc les charges estimées pour chaque profil impliqué dans la réalisation d'une tâche : 2j/h de directeur artistique, 1j/h de graphiste, 0,5j/h d'intégrateur, etc.

Généralement, pour simplifier les calculs, 1j/h correspond à une journée entière de travail, soit 8 heures. Ainsi, une charge de 0,5j/h correspond à une demi-journée de travail (donc 4 heures) et 0,25j/h à 2 heures.

Dans votre construction de budget prévisionnel, il sera compliqué d'aller en deçà de 0,25 pour une charge : vous pourrez difficilement produire des estimations fiables plus fines.

Parfois, lorsqu'on a besoin de gagner du temps, la charge de certaines tâches pourra être répartie sur plusieurs ressources.

Exemple

La réalisation des différentes fonctionnalités de mon compte utilisateur nécessite 8j/h de développeur back. Je pourrai effectuer cette production en mobilisant 2 développeurs au lieu d'un seul. On obtiendra ainsi une charge de 8j/h réalisée en seulement 4 jours.

Notez cependant que toutes les tâches ne peuvent pas être partagées, et que dans certains cas, le fait de répartir une tâche entre plusieurs ressources va générer un effort de coordination supplémentaire entre ces ressources, augmentant la charge globale de la tâche. Ainsi, pour gagner du temps en mobilisant un plus grand nombre de ressources, vous risquez d'augmenter significativement votre budget.

Coût

Le coût, c'est la quantité d'argent que vous devrez dépenser pour réaliser une tâche.

On l'exprimera donc en Euros, en Dollars, en Yens, etc. Plusieurs facteurs contribuent à définir le coût d'une tâche, mais dans un projet digital, l'essentiel de ce coût sera constitué par le temps passé par des ressources.

L'unité utilisée pour désigner le prix d'une ressource est le TJ, pour Tarif Journalier. Le coût de cette même ressource sera donc fonction de ce TJ et du temps passé. La liste des TJ des profils disponibles dans une organisation constitue la grille tarifaire.

Exemple

Pour développer un filtre de tri dans une page produit, un développeur aura besoin de 2 jours. La charge pour réaliser cette tâche est donc de 2j/h. Le TJ de ce développeur est fixé à 650 €/j. Le coût pour la réalisation de cette tâche sera donc de 650 x 2= 1 300 €.

Au niveau du projet dans son ensemble, le coût global sera constitué par les coûts de réalisation des tâches qui le composent et par les achats complémentaires, par exemple pour des licences, de l'achat d'art, de la sous-traitance, ou du matériel spécifique de développement et de test.

Exemple

Le coût d'une ressource présenté à un client sera constitué du prix d'achat de la ressource (les salaires et charges), des frais généraux (infrastructures, fonctions support, etc.), et de la marge appliquée (ce qui permet à l'entreprise de produire de la valeur).

Un coût de 650 €/j pour un développeur back tient compte de l'ensemble de ces paramètres.

La charge et le coût sont les deux notions nécessaires pour construire le budget du projet.

Délai

Le délai représente le temps nécessaire ou planifié pour exécuter une tâche.

Généralement dans un projet, le temps s'exprime en jours, plus rarement en heures. Notez bien que ce délai n'est que rarement équivalent à la charge d'une tâche. En effet (et c'est tout l'enjeu de la planification), les ressources ne vont pas passer 100 % de leur journée de travail sur le projet. D'autres événements les occuperont aussi : des réunions internes, le traitement de leurs courriels, les contributions à d'autres projets ou à des actions d'avant-vente, etc.

Exemple

Nous avons vu plus haut comment, en répartissant une charge sur plusieurs ressources, nous pouvons réduire le délai : une tâche de 8j/h de développement affectée à 2 développeurs pourra être réalisée dans un délai de 4 jours.

À l'inverse, si cette tâche est affectée à un seul développeur, mais qu'il est déjà programmé 2 jours sur un autre projet en plein milieu, le délai de réalisation de cette tâche sera porté à 10 jours.

La définition de la charge, la prise en compte des dépendances entre les tâches et des contraintes des ressources qui influenceront les délais permettront de construire le planning du projet.

Faire le point sur la faisabilité technique

Lorsque vous estimerez les charges de votre projet, vous devrez aussi tenir compte de la faisabilité technique. Il y aura deux axes à considérer pour aborder cette notion :

  • Le projet est-il techniquement faisable, dans l'absolu ?

    Les réponses à cette question devront être apportées par les spécialistes techniques, comme un directeur technique par exemple ou un développeur expérimenté. Sur la base de son expérience ou de recherches complémentaires, il évaluera s'il est possible ou non de finaliser le projet en s'appuyant sur des technologies existantes.

    Si la réponse est non, le projet tel qu'il est présenté ne sera pas réalisable, il faudra donc en modifier le périmètre... ou l'abandonner.

  • L'organisation est-elle en mesure de développer le produit ?

    Lorsque des technologies utilisables sont identifiées, on vérifiera :

    • S'il est possible de réaliser les développements par des ressources disponibles.

      Si oui, les technologies sont-elles déjà maîtrisées (dans ce cas, il n'y aura pas d'impact sur le budget), et dans le cas contraire, sera-t-il nécessaire de mettre en place des formations ou une montée en compétence ?

      La réponse à cette question aura un impact sur le budget qui devra intégrer les charges de formation des équipes.

    • Si les ressources ne sont pas disponibles au sein de l'organisation, par exemple parce que les technologies nécessaires ne sont pas du tout maîtrisées par l'équipe ou que les profils requis n'en font pas partie, on pourra choisir d'avoir recours à de la sous-traitance. La sous-traitance constitue un achat, mais implique également un niveau de coordination complémentaire.

      Pour tenir compte de ces charges de pilotage, préserver le niveau de marge et financer les actes administratifs nécessaires (facturation, contractualisation, etc.), le sous-traitant ne revendra pas son achat à prix coutant. Il appliquera un ratio sur le coût initial de la prestation, par exemple de 30 %, pour en présenter le coût final dans le budget.

Penser aux options, à la maintenance et aux évolutions

Options

Dans tout projet digital, l'expression de besoin pourra être satisfaite par plusieurs solutions, avec éventuellement des fonctionnalités complémentaires qui ne faisaient pas partie de la demande initiale. Ces fonctionnalités proposées qui pourraient améliorer l'expérience utilisateur ou faciliter la gestion de la solution par ses administrateurs peuvent être regroupées en marge du budget global et présentées sous forme « d'options ».

Par ailleurs, vous pourriez proposer des prestations complémentaires. Au-delà de la réalisation à proprement parler, vous pouvez chiffrer un accompagnement spécifique, l'animation des réseaux sociaux, des formations à l'utilisation de l'outil que vous allez réaliser, etc.

Exemple

Dans un chiffrage projet, vous pourriez indiquer en option une proposition de « webmastering ». Dans le cas d'un site Web, il s'agit de prendre en charge, à la place du commanditaire du projet, les mises à jour de son futur site. Cette option constitue une charge récurrente qui pourrait être estimée sous forme de forfait lissé sur une certaine période.

Par exemple, si vous estimez qu'une demi-journée par semaine en moyenne sera nécessaire pour mettre à jour le site, vous pourrez proposer une prestation de 12 jours de webmastering que le commanditaire pourra utiliser selon ses besoins sur une période d'un an. Au fur et à mesure de son utilisation, vous déduirez les temps consommés.

Une option, c'est donc une proposition allant au-delà de la demande initiale, chiffrée également, mais qui devra être explicitement validée par le commanditaire pour être intégrée au périmètre du projet. Bien entendu, une option acceptée viendra augmenter le coût total du projet.

Maintenance et les évolutions

Une solution digitale devra être maintenue dans le temps. Cette maintenance est généralement appelée TMA, pour Tierce Maintenance Applicative. La TMA peut être corrective (pour corriger des anomalies qui peuvent survenir lors de l'utilisation de la solution, même parfois après plusieurs mois d'exploitation) ou évolutive (pour réaliser de petites évolutions ou mises à jour techniques).

La TMA consiste à préserver la connaissance du projet au sein de l'équipe afin de pouvoir exécuter toutes les interventions nécessaires. Elle est généralement vendue sous forme de « pack » de jours d'intervention, payable en début d'année et que le client pourra consommer selon ses besoins.

Elle devra être indiquée, à part, dans le budget du projet. Elle est importante à préciser, car elle représente une part importante du budget de fonctionnement de la solution digitale que vous allez réaliser, c'est-à-dire un budget récurrent que le commanditaire devra dépenser chaque année pendant la durée de vie de la solution.

Construire un budget

Il est maintenant temps de construire le budget de votre solution. Sur la base du périmètre fonctionnel de la gouvernance et de vos scénarios projet, vous devriez être en mesure d'identifier l'ensemble des charges de votre projet.

Le budget prendra la forme d'un tableau Excel qui permettra une lecture aisée :

  • Des tâches envisagées et donc du contenu de la prestation,

  • Du coût des ressources mobilisées,

  • Des coûts de réalisation par phase et par tâche,

  • Des charges par profil,

  • Des charges de gestion et pilotage du projet.

Le budget répond à plusieurs objectifs de définition du projet et de pilotage :

  • Il démontre votre compréhension de la réalisation associée au projet en présentant comment vous quantifiez et décomposez l'effort à produire,

  • Il permet de prévoir les charges à engager pour réaliser le projet,

  • Il offre une compréhension de la charge et du coût par tâche et par phase,

  • Il propose une vue des charges et des coûts par profil,

  • Enfin, dans le cadre d'une prestation pour un client, il indique également votre grille tarifaire ainsi que votre « TJM » (Tarif Journalier Moyen).

Le budget est bien plus qu'un simple outil à calculer les devis. C'est lui qui détermine l'axe coûts de votre suivi de projet, qui vous permettra d'engager les ressources nécessaires à la réalisation du projet. Avec le planning, c'est le second outil permettant de passer d'une idée à une production concrète (et réaliste).

Vous n'oublierez pas de chiffrer également les charges liées à la mise en place du projet, à l'installation et aux paramétrages de l'environnement de développement.

Le pilotage ne doit pas être oublié. Il concerne :

  • Les rendez-vous récurrents destinés à piloter le projet, comme les réunions hebdomadaires et les comités de pilotage par exemple. Ces rendez-vous, leur nombre, seront déterminés par la gouvernance que vous aurez mise en place.

  • Le suivi transversal du projet, effectué par le chef de projet. Étant difficilement quantifiable, vous appliquerez un pourcentage sur les charges des ressources productives (et donc, sans tenir compte des ressources encadrantes). Ce ratio sera défini par votre expérience et en tenant compte des règles de l'organisation à laquelle vous appartenez.

Vous l'avez compris, les coûts de votre projet ne sont pas uniquement constitués des ressources que vous allez mobiliser.

Attention

Les « coûts de fonctionnement » et ceux constitués par les fonctions support (RH, gestion, support informatique, etc.) ne sont pas portés au budget. Ils sont inclus dans les TJ des profils.

En revanche, vous devrez dans votre budget prendre en compte l'ensemble des achats indispensables, qu'ils soient ponctuels ou récurrents. Ces achats seront spécifiques à votre projet. Vous pourrez retrouver notamment :

  • Les coûts de sous-traitance,

  • L'achat d'art (les images issues de Google ne sont pas utilisables, etc.),

  • Les déplacements et frais de mission éventuels,

  • L'achat de plug-ins, de logiciels spécifiques au projet,

  • L'hébergement, les droits d'utilisation divers,

  • Etc.

Votre budget doit être clair et « digeste » pour votre commanditaire. Présentez-le de manière lisible et proposez une offre correspondant exactement à l'expression de besoin à l'origine du projet. Cela facilitera les comparaisons.

Vous pouvez bien évidemment (et c'est même parfois souhaitable) proposer une réalisation allant au-delà de la demande initiale. Dans ce cas, il faudra chiffrer ces éléments supplémentaires.

Mais attention : inutile de faire peur à votre potentiel futur client en lui présentant un montant astronomique ! Chaque option sera présentée de manière séparée, vous pourrez ainsi proposer un budget « à tiroirs » dans lequel votre commanditaire fera son choix.

De la même façon, les prestations non directement liées à la réalisation du projet (community management, référencement, TMA par exemple) seront présentées sous forme d'options ou de lots séparés dans le budget.

Exemple

Vous pouvez télécharger le fichier d'exemple commenté présenté dans cette vidéo et l'utiliser comme trame de vos futurs budgets :

Le budget étant construit, vous aurez une vision claire du coût total prévisionnel pour votre projet. Vous pourrez alors évaluer la faisabilité économique de votre projet. Les décisionnaires seront alors peut-être obligés de faire des arbitrages et de modifier la portée du projet, ou d'en répartir la réalisation sur plusieurs années par exemple, donnant lieu à des projets d'évolution ultérieurs.

Remarque

Dans certaines organisations, en tant que chef de projet, vous n'aurez pas nécessairement accès aux informations financières concernant les coûts des ressources. Ce sera le cas pour beaucoup de projets internes. Vous construirez alors votre budget uniquement sur la base des charges en j/h. Les achats complémentaires seront bien entendu à prendre en compte également et à mettre en regard du budget qui leur sera affecté. Ce sera sur ces informations que vous devrez évaluer la faisabilité économique de votre projet.